Le changement climatique, défini comme l’ensemble des variations des caractéristiques climatiques suite à des processus naturels ou anthropiques, est une réalité qui ne fait plus débat aujourd’hui. Ses effets sont en revanche parfois moins connus  : aux modifications de l’intensité des températures et des précipitations et l’élévation du niveau de la mer, qui sont des phénomènes sur le long terme, il faut en effet ajouter l’augmentation de la fréquence  d’événements extrêmes tels que les épisodes caniculaires ou les cyclones1

Les cyclones surviennent lorsqu’un important transfert d’humidité a lieu entre une mer très chaude (avec une forte évaporation) et une masse d’air, généralement dans une zone allant de 5 – 30 latitude Nord ou Sud. Ces tempêtes tropicales de forte intensité prennent le nom de «  cyclone  » lorsqu’elles se forment dans le Pacifique Sud ou l’Océan Indien, celui de «  typhon  » dans le Pacifique Nord-Ouest et d’«  ouragans  » dans l’Atlantique Nord ou le Pacifique Nord. Par nature, les cyclones sont les plus puissants lorsqu’ils touchent les côtes  : à mesure qu’ils s’enfoncent dans les terres, leur intensité diminue progressivement puisqu’ils ne sont plus alimentés en eau chaude. De fait, ce sont donc les régions et les populations côtières qui sont les plus affectées2

Ce phénomène est donc d’autant plus préoccupant qu’avec la maritimisation de l’économie et la tendance à la littoralisation, les populations des zones côtières sont en constante augmentation. Le développement économique rapide de l’Asie, où la transition démographique est loin d’être achevée, accroît ainsi le nombre de personnes vivants dans des zones à risque. Les zones côtières basses (low elevation coastal zones ou LECZ, situées à moins de 10 m d’altitude) concentrent 13 % de la population urbaine mondiale, un chiffre en hausse constante. Dans le même temps, les zones côtières définies par l’UNEP (United Nations Environment Programme) comme distantes de moins de 100 km de la mer concentrent environ 38 % de la population mondiale. Ce phénomène se confirme particulièrement dans les pays en développement. Cette tendance devrait continuer à s’accentuer, s’accompagnant ainsi d’une densité démographique accrue sur les côtes3. Le cyclone Amphan, qui a frappé le 20 et 21 mai 2020 l’Inde et le Bangladesh, est un bon exemple de l’impact que peuvent avoir ces évènements sur les populations côtières. C’est le cyclone le plus puissant dans ces zones depuis 1999 qui, avec des vents de plus de 185 km/h et des pluies diluviennes, a affecté plus d’un demi-million de personnes4.

Différentes études s’accordent ainsi à montrer que, sous l’action des changements environnementaux, la fréquence d’apparition des cyclones de forte intensité a augmenté d’environ 15 % durant ces 40 dernières années, de 1979 à 2017. Ces derniers sont définis comme ayant des vents dépassant les 185 km/h (ou 115 miles par heure). C’est notamment le cas dans l’Atlantique Nord, où une étude récente montre que le risque d’avoir un cyclone majeur avait augmenté, durant la période analysée, de 49 % par décennie. L’Océan Indien est également touché par ce phénomène, avec une augmentation du risque de 18 % par décennie, ce qui est notable au regard de la faiblesse des défenses naturelles des côtes africaines. Le cyclone Idai de mars 2019 illustre bien les dégâts que peut occasionner ce type de phénomène en Afrique de l’Est, avec plus de deux millions de personnes affectées5

Cette tendance devrait se poursuivre, puisque ces tempêtes tropicales sont directement liées aux fortes températures et à l’évapotranspiration. A ce stade, il devient alors de moins en moins probable qu’une tempête tropicale qui se déclenche ne débouche pas sur un cyclone de grande ampleur. Dans la mesure où le réchauffement climatique devrait aboutir à une hausse globale des températures atmosphériques et maritimes, les cyclones devraient ainsi devenir non seulement plus fréquents, mais aussi plus intenses et menaçant pour les populations. Ces dernières sont pourtant loin d’être égales et vulnérables face ces phénomènes, que ce soit au niveau des possibilités de préventions, de gestion du risque, d’adaptation ou de reconstruction après la catastrophe. 

Ces études sur le lien entre changements climatiques et occurrence d’événements extrêmes comme les cyclones témoignent de l’importance de la prise en compte, dans les politiques publiques, de l’ensemble des impacts du changement climatique pour calculer les coûts/bénéfices des politiques de mitigation et de réduction à la fois des risques et des émissions de gaz à effet de serre. C’est un sujet que les négociations climatiques traitent sous le chapitre des pertes et dommages de tels évènements dès lors qu’il n’est plus possible de s’y adapter. 

A terme, c’est ainsi une partie des zones côtières situées entre les tropiques qui pourrait se trouver de moins en moins habitable sans une adaptation adéquate. Il pourrait en résulter une hausse des mouvements de personnes forcées de migrer suite à ces événements extrêmes. Les catastrophes déplacent en effet chaque année des millions de personnes, un chiffre qui pourrait croître sous l’action des changements climatiques6.

Perspectives  :

  • Afin d’anticiper les évolutions en termes de risque pour les populations côtières, il  est nécessaire de suivre les études documentant les changements dans la localisation et l’intensité des cyclones, et d’augmenter les capacités des algorithmes et des outils prédictifs. Une modélisation accrue des risques doit permettre la mise en place de stratégies d’adaptation et de réponse rapide en cas d’événements extrêmes. 
  • Les négociations autour du changement climatiques, et notamment la COP26, qui aura lieu en novembre 2021, sont à suivre dans la façon dont les risques auxquels sont exposées les populations côtières sont pris en compte dans l’évaluation des dommages liés aux changements climatiques. 
  • Le suivi des évolutions de la reconnaissance des migrations climatiques dans le droit international et la pratique des Etats.
Sources
  1. OPPENHEIMER, M., GLAVOVIC B.C., HINKEL J., VAN DE WAL R., MAGNAN A.K., ABD-ELGAWAD A., CAI R., CIFUENTES-JARA M., DECONTO R.M., GHOSH T., HAY J., ISLA F., MARZEION B., MEYSSIGNAC B., SEBESVARI Z., Sea Level Rise and Implications for Low-Lying Islands, Coasts and Communities, IPCC Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate, 2019.
  2. DUNNE Daisy, Major tropical cyclones have become ‘15 % more likely’ over past 40 years, Carbon Brief, 18 mai 2020.
  3. BARBIER E. B., Climate Change Impacts on Rural Poverty in Low Elevation Coastal Zones , Policy Research Working Paper 7475, World Bank Group, 2015.
  4. DELACROIX Guillaume, Le cyclone Amphan sème la désolation en Inde et au Bangladesh, Le Monde, 21 mai 2010.
  5. DUNNE Daisy, Major tropical cyclones have become ‘15 % more likely’ over past 40 years, Carbon Brief, 18 mai 2020.
  6. IONESCO D., MOKHNACHEVA D., GEMENNE F., « Atlas des migrations environnementales », Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 2016.