Riyad. Quatre jours de discussions exceptionnelles ont vu se succéder le sommet virtuel des membres de l’accord OPEP+, la réunion exceptionnelle du G20 vendredi et la poursuite de négociations bilatérales. Un accord sans précédent sur une réduction collective de la production de pétrole a enfin été signé dimanche par les parties prenantes de l’alliance OPEP+, qui rassemble 23 États parmi lesquels les membres du cartel et d’autres États comme la Russie dont le ministre de l’énergie Alexander Novak co-présidait le sommet. Cet accord prévoit d’une part une réduction de la production de l’alliance à hauteur de 9,7 millions de barils par jour pour les mois de mai et juin ; d’autre part, un engagement dégressif jusqu’à 2022, à hauteur de 7,7 milliards de barils jour pour le second semestre 2020, et de 5,8 millions de barils par jour en 2021 et jusqu’en avril 20221.

L’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Koweït s’engagent par ailleurs conjointement à un effort supplémentaire de -2 millions de barils par jour, hissant à près de 12 millions de barils la réduction totale du cartel élargi2. Le prolongement éventuel de cet accord sera étudié en décembre 2021. Dans son communiqué de presse, l’OPEP a plus généralement appelé les grands producteurs à contribuer activement aux efforts visant à stabiliser les marchés pétroliers. C’est donc près de 12 % de la demande mondiale pré-crise sanitaire qui devraient disparaître à court terme du marché mondial : avant la crise du coronavirus, elle s’élevait, en novembre 2019, à 100,1 millions de barils par jour3.

Les principaux protagonistes de ces négociations sont bien connus : d’un côté, Mohammed ben Salman a effectivement mené les échanges, tant à l’OPEP qu’au G20, assisté par les présidents américain et russe. Du côté des États-Unis, de nombreux appels ont été lancés aux saoudiens pour faire pression sur la signature d’un accord. Selon S&P, le week-end a en effet été marqué par une série d’entretiens téléphoniques entre plusieurs sénateurs américains (notamment des États producteurs, comme le Texas, Dakota du nord et l’Oklahoma) et des officiels saoudiens. Le président américain n’a d’ailleurs pas manqué de se féliciter de l’issue de ces échanges, notamment pour la survie économique de l’industrie énergétique américaine, en remerciant plus particulièrement (à deux reprises) ses homologues russe et saoudien4.

Plus inattendu, car en retrait de ces premières semaines de guerre des prix, le Mexique, membre de l’alliance élargie autour de l’OPEP, a retardé l’aboutissement d’un accord en refusant de réduire sa production à hauteur de 400 000 barils par jour comme le souhaitait le cartel, et en n’envisageant de réduire que de 100 000 barils sa production journalière. Le président américain a d’abord proposé de compenser la différence par une réduction de la production américaine, ce que le cartel, et l’Arabie saoudite en premier lieu, ont refusé, renonçant de ce fait à l’objectif symbolique des 10 millions de barils. 

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Il s’agit d’une victoire singulière pour le Mexique, qui aurait déjà recours à une importante stratégie de hedging de sa production pétrolière. En vendant son pétrole à un prix prédéterminé, le pays se préserve en effet des effets d’une chute des cours, tandis que les banques auprès desquelles elle assure son pétrole bénéficient de toute hausse des cours au-delà du prix de vente. Le gouvernement aurait affirmé  pouvoir garantir ses revenus issus de l’industrie pétrolière, à hauteur du prix d’équilibre fiscal, soit 49$ le baril. Cette sécurité financière aurait permis au gouvernement mexicain, selon le média spécialisé Oil World, de résister d’autant plus fermement aux pressions de l’OPEP pour une réduction drastique de sa production5.

Du côté des pays membres du G20, aucune annonce chiffrée n’a été officialisée. Les négociateurs de l’accord conviennent néanmoins que les États-Unis, le Brésil et la Norvège figurent parmi les pays qui contribueront à l’effort collectif, à hauteur d’environ 3,7 million de barils, portant à au moins 15 millions de barils la réduction totale de la production mondiale. 

Cet accord reste néanmoins conditionné à la capacité et à la volonté des acteurs à se conformer aux quotas négociés. Quand bien même cela serait le cas, cette réduction sera-t-elle suffisante ? La réaction des marchés ce lundi, au lendemain de l’accord, semble indiquer que les analystes restent sceptiques. La demande mondiale de pétrole aurait diminué de près de 19 millions de barils par jour sur la période avril-mai, du fait de la crise du coronavirus6. Il ne faudrait donc pas s’attendre à une hausse substantielle des cours, car l’accord serait loin de compenser cet effondrement. Selon le Financial Times, la consommation mondiale aurait diminué de près de 30 % depuis le début de la crise sanitaire, absorbant l’équivalent de la production totale du cartel7.

Sources
  1. OPEC, The 10th (Extraordinary) OPEC and non-OPEC Ministerial Meeting concludes, 12 avril 2020
  2. GRIFFIN Rosemary, 23 countries agree to join OPEC+ deal that will last until May 1, 2022 : Novak, S&P Global, 10 avril 2020
  3. SMITH Ellen, Growth in global oil demand more than doubled in the third quarter, IEA reveals, CNBC, 15 novembre 2019
  4. TRUMP Donald, Tweet du 12 avril 2020
  5. BLAS Javier, STILLMAN Amy, Mexico’s secret weapon in the oil price war, WorldOil, 12 avril 2020
  6. PARASKOVA Tsvetana, Goldman Sachs : Don’t Expect Oil Prices To Rise On Historic Oil Deal, OilPrice, 13 avril 2020
  7. RAVAL Anjil, BROWER Derek, SHEPPARD David, What does the US-backed Opec+ deal mean for the world ?, 13 avril 2020