Taipei. Taiwan est à un pas de l’épicentre de l’épidémie. Elle compte 23,8 millions d’habitants, soit plus de deux fois la taille de la Lombardie, concentrés sur 36 197 kilomètres carrés. Compte tenu de la fréquence des vols en provenance de Chine, on s’attendait à ce que COVID19 submerge l’île1. Au lieu de cela, elle n’a enregistré que 50 infections et 1 décès. Comment ont-ils fait cela ?  Avec une stratégie précise et méticuleusement suivie dans chacune de ses phases. 

1. Préparation

Grâce à l’expérience du SRAS, Taïwan a immédiatement reconnu l’urgence. Dès que l’OMS a annoncé des cas de pneumonie d’origine inconnue à Wuhan le 31 décembre 2019, tous les passagers de Wuhan ont été contrôlés à bord avant de débarquer de l’avion. Les passagers débarqués de Wuhan au cours des 14 jours précédents ont été retrouvés et ont fait l’objet d’une visite médicale. Toute personne présentant des symptômes suspects étaient mises en quarantaine et surveillées de près.

2. Identification

Quelques jours plus tard, les autorités ont étudié deux bases de données : celle des informations sanitaires des citoyens taïwanais et celle de l’agence de l’immigration. Toutes les personnes à risque qui avaient récemment présenté des symptômes et avaient voyagé dans des régions à risques ont été recensées. En outre, les autorités ont mis en place un système qui génère une alerte chaque fois qu’un patient à risque demande une assistance médicale, ce qui permet aux professionnels de la santé d’identifier rapidement les cas de coronavirus.

3. Confinement

Les patients à risque – en raison de symptômes, d’un passage dans des zones à risque au cours des 14 derniers jours ou de tout contact avec des personnes infectées – sont mis en quarantaine et testés. En outre, ils doivent installer une application sur leur smartphone pour surveiller leurs symptômes et mouvements. Grâce à cette application, il est possible de reconstituer la liste des personnes avec lesquelles le patient infecté a été en contact, afin de les tester, de les traiter et d’interrompre ainsi la chaîne d’infection.

4. Communication

Selon l’éditorial de Jason Wang (Stanford) publié dans le Journal of The American Medical Association2, le gouvernement a informé les citoyens par des conférences de presse et des communiqués de presse *extrêmement détaillés*, de manière similaire à ce qui s’est passé en Corée du Sud. A l’inverse, pour prendre un autre exemple, les autorités italiennes ont communiqué de manière beaucoup moins précise. 

Par ailleurs, les autorités ont expliqué publiquement qu’en raison de la gravité de la situation, les hôpitaux et les pharmacies auraient temporairement accès aux informations sur les voyages des patients. Selon les sondages, le public a très bien réagi à ce partage d’information.

Entre-temps, les écoles, les universités, les gymnases et les restaurants sont restés ouverts. Cela n’enlève rien au fait que les autorités demeurent en état d’alerte, car elles s’attendent à ce que le virus se propage de toute façon à Taïwan. Si et quand ce sera le cas, ils pourront toutefois s’appuyer sur un système de contrôle très solide.

Comme je l’ai déjà écrit à propos de la Corée du Sud3, pour les pays européens (surtout les plus exposés, comme l’Italie), il est déjà tard pour mettre en œuvre une telle stratégie et un verrouillage est nécessaire. Nous espérons en voir bientôt les fruits. Cependant, il reste le risque que, si nous ne suivons pas les personnes infectées et celles avec qui elles ont été en contact afin de les isoler et soigner, sitôt que que le verrouillage sera relâché, le virus pourra à nouveau se répandre. Un article qui vient d’être publié dans Le Lancet explique ainsi que quelques cas isolés en circulation suffisent à relancer la contagion.4

En Italie, et dans toute l’Europe, nous aurons très tôt besoin d’un système de suivi similaire à ceux des pays orientaux qui réussissent, pour l’instant, à contenir l’épidémie. Qu’attendons-nous ?

Sources
  1. GARDNER Lauren, Update January 31 : Modeling the Spreading Risk of 2019-nCoV, Johns Hopkins Whiting School of Engineering, 31 janvier 2020
  2. C. Jason Wang, MD, PhD1,2 ; Chun Y. Ng, MBA, MPH2 ; Robert H. Brook, MD, ScD, Response to COVID-19 in Taiwan
    Big Data Analytics, New Technology, and Proactive Testing,
    JAMA, 3 mars 2020
  3. SABATINI Fabio, La stratégie sud-coréenne contre le coronavirus, un modèle pour l’Europe ?, Le Grand Continent, 13 mars 2020
  4. Adam J Kucharski, PhD, Timothy W Russell, PhD, Charlie Diamond, MSc, Yang Liu, PhD, John Edmunds, PhD, Sebastian Funk, PhD, Early dynamics of transmission and control of COVID-19 : a mathematical modelling study, Lancet, 11 mars 2020