Londres. Après avoir passé un temps considérable à réfléchir à la manière d’atténuer et de gérer cette pandémie, et à analyser les données disponibles, je n’ai pas réussi à identifier la meilleure ligne de conduite à adopter. Pire encore, je ne suis pas sûr qu’il existe une solution acceptable au problème auquel nous sommes confrontés.

Je pense que la pandémie de covid-19 est la plus grave menace de santé publique mondiale à laquelle l’humanité ait été confrontée depuis la pandémie de grippe espagnole de 1918 – 19. Il existe des différences majeures entre les deux événements, mais je pense qu’il y aura aussi des similitudes qui pourraient émerger lorsque nous regarderons en arrière. Le scénario le plus plausible à mes yeux est que la pandémie de covid-19 s’atténue à la fin du printemps (dans l’hémisphère nord) et revienne sous la forme d’une deuxième vague en hiver, ce qui, je pense, pourrait être encore pire que ce à quoi nous sommes confrontés actuellement. Le graphe 1 montre ce qui s’est passé en 1918 – 19.

Vague pandémies XXe siècle 1918 grippe espagnole
Graphe 1

Pour tout modèle, les prédictions sont seulement aussi bonnes que les données qui l’ont paramétré. Il y a deux inconnues majeures à ce stade : 1) nous ne savons pas dans quelle mesure la transmission de la covid-19 sera saisonnière ; 2) nous ne savons pas si l’infection par le covid-19 induit une immunité de longue durée.

La saisonnalité est difficile à prévoir sans séries chronologiques. La comparaison entre les régions pour la pandémie de covid-19 suggère une certaine saisonnalité, mais probablement moins que pour la grippe. Cela correspondrait à peu près aux autres Coronaviridae (rhume et MERS).

Mais c’est surtout la durée de l’immunité après une infection par le covid-19 qui est la plus grande inconnue. La comparaison avec d’autres Coronaviridae suggère qu’elle pourrait être relativement courte (plusieurs mois). Si cela devait être confirmé, cela ajouterait au défi de la gestion de la pandémie. Une immunisation de courte durée irait à l’encontre des approches consistant à « aplatir la courbe » et à l’« immunité collective ». L’élaboration d’une stratégie efficace serait encore plus difficile en cas de faible forçage saisonnier. Elle compliquerait aussi considérablement les campagnes de vaccination efficaces.

La pandémie de covid-19 est un problème extrêmement difficile à résoudre et il reste de nombreuses inconnues. Il n’existe pas de solution simple, et des interventions mal conçues pourraient aggraver la situation, de manière massive. Le coronavirus n’est pas seulement un problème épidémiologique. C’est un problème de « santé mondiale » qui ne peut être résolu que par une approche intégrée et globale.

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Graphe 2

Prenons un exemple : il n’y a pas de choix à faire entre la gestion de la pandémie et la protection de l’économie. La santé et l’économie sont étroitement liées. La corrélation entre le PIB par habitant et la santé (espérance de vie) est essentiellement parfaite (voir graphe 2). Si la pandémie de covid-19 entraîne l’effondrement de l’économie mondiale, le nombre de vies perdues sera bien plus élevé que ce que le covid-19 pourrait jamais prétendre.

Crédits
Cet article est la reprise d'une analyse du Professeur François Balloux, biologiste computationnel et dirécteur de l'UCL Genetics Institute, publié le 14 mars sur son compte Twitter.