Téhéran. Le coronavirus est en train de se répandre à grande vitesse en Iran. En effet, depuis que les premiers cas ont été déclaré mercredi dernier à Qom, ville d’un million d’habitants, où se trouvent la majorité des écoles religieuses du pays, à une heure de train de Téhéran, 245 personnes auraient été infectées dans 19 provinces (sur 31) et 26 personnes en seraient mortes1

Il se pourrait, mais cela n’est pas confirmé, que le virus ait été diffusé à partir de Qom par un des plusieurs centaines d’étudiants chinois en théologie chiite, qui se trouvaient alors dans la ville. Actuellement, la plupart des frontières avec l’Iran ont été fermées et les vols annulés (l’aéroport de Dubaï, par exemple, refuse tout vol depuis l’Iran depuis mardi). Les écoles, universités, théâtres sont également fermés jusqu’à début mars. 

On compte parmi les personnes infectées un certain nombre de personnalités politiques de premier plan, dont 

  • la ministre Massoumeh Ebtekar (qui était à un conseil des ministres il y a deux jours où se trouvait également Hassan Rouhani), 
  • le porte-parole du gouvernement Ali Rabiei
  • le vice-ministre de la santé lui-même (après avoir fait une presse conférence filmée lundi 24 mars où il était visiblement très malade), 
  • Mahmoud Sadeghi, un des députés réformistes les plus importants. 
  • Mojtaba Zonnour, député, président de la commission de sécurité nationale et de politique étrangère du parlement. 

Le fait que tant de personnalités politiques soient infectées, et le taux de mortalité officiel du virus (10 %, c’est à dire trois fois plus élevé qu’en Chine) éveille un certain nombre de doutes. En effet, le système de santé iranien est de très bonne qualité (un grand nombre d’Irakiens viennent se soigner en Iran par exemple) et bien réparti sur le territoire2. De même, l’année dernière, le gouvernement iranien a été capable de mettre fin à une épidémie de grippe particulièrement virulente qui a tout de même fait 100 morts dans le pays.

Par conséquent, l’explication la plus logique à ce taux de mortalité étonnamment élevé serait que les autorités ont essayé de dissimuler l’épidémie, d’abord pour ne pas donner une bonne excuse aux électeurs de ne pas aller voter le 21 février pour les élections législatives – qui ont déjà été marquées par le plus haut taux d’abstention de l’histoire de la République islamique (55 %) sur fond de contestation de la légitimité des élections – puis pour essayer de contenir – sans réussite – les inquiétudes grandissantes de la population. 

En effet, le gouvernement a de manière évidente tenté dans un premier temps de minimiser la crise. Hassan Rouhani a déclaré par exemple samedi qu’il s’agissait “d’une conspiration de nos ennemis pour nous forcer à l’isolation en semant la panique” et qu’il ne fallait par conséquent pas “placer les villes où le virus s’est propagé en quarantaine” en espérant que l’activité économique du pays puisse reprendre rapidement3. Quelques jours plus tard, il appelait tous les Iraniens à éviter les lieux publics pour éviter de propager l’infection.

Si le virus pourrait avoir des conséquences sanitaires désastreuses, il aura également un effet dramatique sur l’économie iranienne, puisque la grande majorité des commerçants iraniens comptaient sur les quelques semaines qui précèdent les fêtes de fin d’année en Iran (le 21 mars) et sont habituellement un moment de forte consommation pour compenser une année marquée par l’inflation, l’isolement économique et l’absence d’opportunités économiques. 

Par ailleurs, la plupart des médias et hommes politiques réformistes critiquent publiquement les autorités pour leur mauvaise gestion de la crise. Le journal Aftab-é yazd écrit par exemple “le virus de l’irresponsabilité est plus grave que le coronavirus”4, tandis que le journal Arman se demande pourquoi Qom n’a pas été mise en quarantaine alors qu’il s’agissait apparemment du point de départ de la quarantaine5.

Enfin, la diffusion de l’épidémie en Iran pourrait également être fatale pour les pays voisins, surtout les plus faibles. Ainsi, les cinq cas recensés en Irak pour l’instant proviennent tous d’Iran, même si la frontière est fermée depuis samedi, et on recense déjà des cas à Hérat, en Afghanistan, deux pays dont le système hospitalier n’est pas capable de faire face à une épidémie de masse. 

Dans ce contexte, le coronavirus pourrait être fatal pour la République islamique à deux niveaux : en renforçant la crise économique, il rend les sanctions et l’isolement économique de l’Iran encore plus difficiles à supporter ; en montrant l’incapacité du gouvernement à gérer une crise sanitaire sans mentir et utiliser une rhétorique datée consistant à accuser les Etats-Unis pour se décharger de leur responsabilité, il mine encore plus la confiance de la population en ses dirigeants.

Une carte sur la dimension mondiale d'une pandémie potentielle