Frascati, Italie. Le projet Divertor Tokamak Test (DTT) va contribuer à la recherche de solutions au problème de l’évacuation du “plasma exhaust”, un élément crucial pour la réussite de DEMO, la première centrale à fusion fonctionnelle. L’autre projet précurseur lié au DDT est ITER, grand réacteur à fusion actuellement en construction à Cadarache dans le sud de la France, qui entend démontrer la faisabilité scientifique et technologique de la réaction de fusion contrôlée et suscite à ce titre beaucoup d’espoirs dans la sphère nucléaire. Le DTT a officiellement été présenté en 2015, mais c’est seulement en 2020 que sont arrivés le feu vert et le soutien économique pour ce projet. Il faudra néanmoins attendre 2027 pour des premiers résultats, selon le scénario arrêté. Les perspectives sont fascinantes, semblables dans la forme aux annonces des partis politiques, promettant une croissance de +2 % du PIB national, la naissance de 1500 emplois, et une production énergétique stable, respectueuse de l’environnement et en théorie inépuisable1. Le projet DTT2 entend contribuer à la démonstration de  la faisabilité d’ITER (l’International Thermonuclear Experimental Reactor) et donc réaliser empiriquement ce qui pour le moment est seulement théorisé. Grand réacteur à fusion, ITER est issu d’un partenariat international avec l’Union européenne, la Chine, la Corée du Sud, le Japon, l’Inde, la Russie et les États-Unis afin de démontrer l’auto-suffisance de la réaction de fusion avec une production nette d’énergie. À partir de 2005 le site de Saint Paul-lès-Durance dans les Bouches du Rhône a été choisi pour accueillir ce réacteur. Le premier plasma y est prévu pour 2025, en sachant que DEMO, quant à lui, devrait commencer à être construit à partir de 20303

L'énergie du futur en Europe ?
Le processus de fusion nucléaire (deutérium + tritium -> hélium + énergie thermique) est très différent de celui de la fission nucléaire  : tout y change, sauf le fait qu’il s’agit dans les deux cas de réactions nucléaires qui permettent l’exploitation de l’énergie des liaisons nucléaires des noyaux atomiques. Source  : DIVERTOR TOKAMAK TEST facility  ; DTT Project Website

La production d’énergie par fusion nucléaire prévoit de faire entrer en collision deux isotopes de l’hydrogène, le deutérium et le tritium, pour former de l’hélium. A partir de deux particules légères, il est en effet possible d’en créer une plus lourde et en même temps de transformer une partie de la matière4 en énergie libérée sous forme de chaleur. Le Soleil produit son énergie avec cette même réaction nucléaire. Le deutérium existe à l’état naturel et ne représente aucun problème pour l’environnement — d’autant plus que, pour le moment, l’humanité n’a pas encore influencé l’équilibre de la répartition planétaire de cet élément. Le tritium doit être produit ; il est radioactif, mais sa période de désintégration n’est que de 12 ans, environ5. Il ne survit pas dans l’atmosphère et n’est pas facile à synthétiser, problème que l’équipe d’ITER doit envisager, surtout pour le fonctionnement du réacteur à échelle industrielle. 

Cependant, la réaction de fusion sur laquelle repose ITER nécessite une température très élevée pour l’auto-entretenir, ainsi que d’une  forte pression pour faire rencontrer et “fusionner” le deutérium et le tritium ensemble. Le fonctionnement d’une centrale à fusion par confinement magnétique vise à déclencher et entretenir une telle réaction, grâce à une enceinte annulaire avec des forts champs magnétiques. La configuration retenue pour le projet ITER est celle d’un “tokamak” dans laquelle se forme un plasma à très haute température.6 Si la température ou la pression viennent à repasser sous les seuils nécessaires, la réaction de fusion s’arrête et les particules se dispersent. Bien que des réactions nucléaires aient lieu à l’intérieur du tokamak et que les surfaces internes de la structure soient activées par absorption neutronique, la génération de déchets radioactifs à haute activité et très longue durée de vie comme ceux d’un réacteur à fission n’a pas lieu. Le problème de stockage de ces déchets  ne se pose donc pas dans le cadre d’un réacteur à fusion, même si une gestion respectueuse et prudente de l’outil reste nécessaire.

Question légitime : pourquoi donc n’arrive-t-on pas à déployer des centrales à fusion à grande échelle ? Quels sont les problèmes techniques ? Il y en a de nombreux, en commençant par la température extrême du plasma. Aucun matériel ne peut contenir le flux plasmatique des isotopes de l’hydrogène. Les ingénieurs ont donc étudié une structure toroïdale qui sert à mettre en mouvement le flux et qui confine les particules dans le vide, loin des parois du réacteur, grâce au magnétisme. Ce n’est pas une solution suffisante, bien que nécessaire. La recherche s’oriente donc vers la découverte d’un nouveau matériau ou technologie capable de résister à telles conditions. Le confinement magnétique est aussi un grand défi, tout comme le système de refroidissement et d’alimentation-échappement.

C’est grâce au soutien de l’Union Européenne, des universités (pour le projet DTT), de la BEI, Enea, Eni, EUROfusion, des gouvernements, des communautés et des privés, que la recherche vers la réalisation du DTT,  ITER et DEMO peut continuer. Ces soutiens sont sous-tendus par l’espoir qu’il sera, sur le long terme, possible de déployer la fusion à échelle commerciale — autrement dit, une source d’énergie compatible avec l’environnement et presque inépuisable. Mais la route est longue ; les investissements qui restent à faire conséquents ; et l’horizon de déploiement d’une flotte de réacteurs à fusion lointain, certains experts évoquant la fin du XXIe siècle au plus tôt.

Perspectives :

  • La naissance d’un pool d’experts via la création du DDT à Frascati, Italie, va donner du travail à des chercheurs de partout dans le monde. Le Président de l’Enea se réjouit que ce projet va partiellement contrecarrer le phénomène  de “fuite des cerveaux” qui affecte le secteur nucléaire italien. En 2027, une fois les premières annonces et résultats du DTT publiés, il sera plus aisé de comprendre les mécanismes de confinement magnétiques et donc savoir s’il est vraiment possible de maîtriser la fusion nucléaire. 
  • Alors que la majorité des pays occidentaux se prononcent en faveur de  l’implémentation de centrales à fission, l’Italie vise sur la recherche pure pour faire progresser un projet international. Si l’on arrive à trouver une solution pour la réalisation d’ITER, à petits pas et à travers des projets précurseurs comme le DTT, non seulement le secteur de la production d’énergie aura gagné une ressource stratégique, mais il y aura des amélioration nettes aussi dans les secteurs de la recherche spatiale, de l’aérospatial et du transport en général. 
  • En particulier le projet de transport révolutionnaire Hyperloop7 pourrait y trouver des grands avantages, liés à la fois au confinement magnétique, mais aussi à la gestion thermique. La production continuelle d’hélium par un ou des réacteurs à fusion pourrait quant à elle en venir à occuper une place de premier plan dans les futurs systèmes de transports.
Sources
  1. Eni ed Enea, firmata l’intesa da 600 milioni per il progetto Dtt , Il Messaggero.it, 29 janvier 2020
  2. DIVERTOR TOKAMAK TEST facility, site officiel du projet
  3. When will experiments begin ? , Iter Organization
  4. Soit le défaut de masse entre le deutérium et le tritium par rapport à l’hélium résultant de la fusion
  5. Tritium et environnement , Institut de Radioprotection et de Surete Nucleaire (IRSN) , 5 juin 2014
  6. Le confinement magnétique est aussi possible avec des configuration du type “Stellarator”
  7. RIVIERA Matteo, L’Hyperloop en Europe, un projet énergétique, Le Grand Continent, 27 janvier 2020