Luanda.  Le 2 février, un sommet quadrilatéral a eu lieu à Luanda, en Angola, entre les chefs d’État de l’Angola, de la RDC, de l’Ouganda et du Rwanda1. C’est notamment ainsi que, aux côtés des leaders historiques de la région, se sont ajoutés deux présidents récents, qui n’ont pas encore défini leur ligne diplomatique. Il s’agit de Tshisekedi, le principal créateur de l’effort multilatéral conjoint avec l’Ouganda et le Rwanda contre les positions du groupe rebelle ADF dans les provinces orientales de la RDC, et de Lourenço, le président angolais. Ces nouveaux dirigeants ont mis sur la table un dossier très lourd pour la stabilité continentale : les relations tendues entre l’Ouganda et le Rwanda, au centre d’un échange actif d’accusations mutuelles. Les Grands Lacs traversent en effet une période de réajustement, avec un véritable affrontement entre les hégémonies militaires, qui pourrait également toucher le Burundi voisin, dont le parti au pouvoir, le CNDD-FDDD, a proposé un nouveau nom pour les élections présidentielles : Evariste Ndayishimiye2.

Le sommet de Luanda s’est terminé par la promesse de Kagame et Museveni d’inaugurer une période d’ajustement et d’apaisement de la tension latente entre les deux pays. L’événement angolais est intervenu après une période où les deux présidents semblaient sur le point d’entamer un véritable affrontement militaire, avec des insultes et des déclarations personnelles piquantes, jusqu’à la fermeture, plus ou moins durable, de la frontière. Kampala et Kigali, au contraire, ont annoncé un échange de prisonniers, ainsi que la promesse de mettre fin à la propagande hostile réciproque, afin de ne pas fomenter la xénophobie et de maintenir un contact constant et constructif, pour favoriser le travail d’une commission ad hoc3. Ces mouvements ne sont pas les premiers, et il est difficile de définir ce qu’ils apporteront à moyen et long terme : il est important de souligner comment les relations entre les deux pays ont été marquées par la campagne de Kisangani de 2000, dans le cadre de la deuxième guerre du Congo, dans laquelle les deux pays, formellement alliés, n’ont pas résisté face à l’asymétrie militaire et aux intérêts opposés4. Les deux « nouvelles » figures de la région, Lourenço et Tshisekedi, veulent jouer le rôle de médiateurs, pour faire comprendre à leurs homologues régionaux leur ligne de politique étrangère, et pour comprendre la guerre et l’évolution de la sécurité en Afrique centrale (une région historiquement au centre d’une intense implication militaire, notamment en Angola). Mais il faut aussi considérer ce qui se passe au Burundi, où, entre le successeur de Nkurunziza et la crise rwando-ougandaise, on trouve une place pour un avenir plus stable5).

Ancien ministre de l’Intérieur et l’un des signataires du cessez-le-feu de 2003 (qui a officiellement mis fin au conflit civil), Evariste Ndayishimiye n’est pas un nouveau nom dans la politique burundaise. Il a en effet été l’un des hommes clés pour maintenir le pouvoir entre les mains de Pierre Nkurunziza, président depuis 2005, malgré une tentative de coup d’État et le risque latent d’un effondrement institutionnel dû à la violence sectaire6. Le changement de capitale en décembre 2018 vers Gitega représente une tentative de changement, au moins symbolique, du régime politique burundais, marqué par un avenir extrêmement incertain. L’annonce, arrivée en janvier, par le biais du compte Twitter du CNDD, de la candidature de Ndayishimiye aux élections présidentielles de mai, ne représente pas un renouvellement radical, mais pourrait inaugurer, d’un point de vue symbolique, une période où la rhétorique anti-rwandaise comme légitimation interne pourrait disparaître7. Ayant été historiquement un parti qui a fondé son consensus sur l’hostilité envers Kigali, le CNDD-FDDD entend proposer une conception différente de sa politique étrangère, pour éviter l’isolement qu’entraînerait un rapprochement potentiel entre le Rwanda et l’Ouganda8.

Perspectives :

  • Mai 2020 : élections présidentielles au Burundi
  • Dans le cadre de l’analyse de la politique étrangère et de l’avenir du régime burundais, deux facteurs de première importance pour la survie des institutions au Burundi doivent être considérés : la relation entre le pouvoir politique et les forces armées (au centre du retrait de la mission AMISOM en Somalie), et le statut des forces Imbonerakure, le mouvement de jeunesse du CNDD-FDDD, qui appartiennent à l’aile extrême du parti. Proposer une rhétorique plus conciliante envers Kigali rencontrera une forte résistance.