Moscou. La semaine du 6 au 12 janvier pour le président russe Vladimir Poutine a été particulièrement animée sur le plan diplomatique. Le dirigeant russe s’est déplacé en Syrie pour rencontrer Bachar El-Assad, en Turquie afin d’inaugurer le gazoduc Turkstream aux côtés de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan. Il a discuté au téléphone avec l’Émir du Qatar, le prince héritier d’Abou Dhabi, le président égyptien, et il s’est entretenu sur la Libye avec Emmanuel Macron et Giuseppe Conte.1 Enfin, la chancelière allemande Angela Merkel s’est rendue samedi au Kremlin pour discuter, notamment, des risques d’une escalade dans le conflit libyen opposant Fayez El-Sarraj, soutenu par les pays européens et la Turquie, aux forces du maréchal Khalifa Haftar, épaulées par des mercenaires russes.2 Le Moyen-Orient a ainsi été cette semaine au centre de l’attention de Vladimir Poutine, sans surprise dans le contexte des tensions croissantes entre l’Iran et les États-Unis.

L’activité intense de la Russie dans la région cette semaine a entrainé diverses réactions. D’une part, des membres du camp démocrates aux États-Unis ont estimé que le président Trump avait fait de nouveau un « cadeau » au Kremlin en ciblant le général iranien Ghassem Soleimani puisque cela permet à Vladimir Poutine de se mettre en avant comme le seul arbitre et l’unique grande puissance présente dans la région.3 D’autre part, la capacité du Kremlin à maintenir dans le long terme des contacts avec des acteurs opposés, tels que Khalifa Haftar et Erdogan ou bien encore avec l’Iran et les émirats, pose question.  Il est cependant nécessaire de sortir de cette dichotomie, présentant les activités de la Russie au Moyen-Orient comme une éclatante réussite ou, au contraire, voué à l’échec, afin d’analyser les forces et faiblesses de la diplomatie russe dans la région. Il est en effet probable que la Russie tente de se maintenir dans une ‘position intermédiaire’, maintenant des contacts avec des acteurs opposés, tout en ayant conscience des limites de son influence en dehors du théâtre syrien.

Cette stratégie est particulièrement visible en Libye. La Russie est parvenue à avoir un rôle dans ce conflit à moindre coût. En effet, entre 600 et 800 mercenaires russes seraient actifs aux côtés de Haftar.4 L’envoi de mercenaires permet, comme dans d’autres parties du monde, à Poutine de nier toute implication directe de la Russie tout en exerçant une certaine influence pour la résolution du conflit.5 La possibilité de voir cette présence russe s’accentuer est faible, notamment due aux moyens financiers limités du Kremlin et au risque d’entrainer une confrontation avec Ankara. Ainsi, la situation actuelle est particulièrement confortable pour le Kremlin mais, cela ne signifie pas pour autant que la Russie est en passe de contrôler les équilibres de pouvoirs dans la région.

Il est cependant aisé pour la Russie de se présenter à l’heure actuelle comme la seule grande puissance responsable au Moyen-Orient. Le ministère des Affaires étrangères russe a ainsi dénoncé la mort de Ghassem Soleimani comme une « violation du droit international », ayant de « sérieuses conséquences pour la paix et stabilité régionales ».6 Cette mise en scène permet à la Russie de se mettre en avant tout en dénonçant les actions américaines afin d’amener les monarchies du golfe à reconsidérer leurs alliances avec Washington. Toutefois, la possibilité pour le Kremlin de passer de simples critiques de la diplomatie américaine à la construction de liens durables et significatifs semble encore une fois limitée par ses capacités d’investissement.

Ainsi, la semaine diplomatique de Vladimir Poutine symbolise ce que le Kremlin peut souhaiter de mieux à l’heure actuelle au Moyen-Orient : discuter avec différents acteurs, se présenter comme une grande puissance tout en ayant conscience de ses limites.

Perspectives :

  • Vladimir Poutine et Angela Merkel ont annoncé durant la conférence de presse qu’une rencontre organisé par les Nations-Unies aura lieu à Berlin pour mettre en place un cessez le feu en Libye.