En 2020, la tendance générale en Amérique latine s’inscrira sans nul doute dans la continuité des événements de 2019, avec à la fois des risques d’éclatements et des perspectives incertaines de renouveau.

Permanence et mutation des revendications socio-économiques

Les différentes manifestations qui ont éclaté en Amérique latine fin septembre 2019 pourraient se poursuivre en 2020. Les gouvernements en place ont été grandement fragilisé par ces événements qui ont souligné une crise de confiance des peuples vis-à-vis de leurs dirigeants.

En Équateur, malgré une sortie de crise rapide par le biais du dialogue, le gouvernement Moreno ressort affaibli. Les soulèvements, nés à la suite de la suppression des subventions sur le pétrole, ont mis en évidence une profonde crise sociale dans un pays où les inégalités sont de plus en plus grandes. Alors que le gouvernement a demandé l’aide du FMI, toute prochaine réforme pour répondre au exigence du Fonds pourrait relancer les mouvements de contestation.1

En Bolivie, la démission du président sortant Evo Morales après le premier tour contesté des élections présidentielles 2019 a fragilisé durablement la stabilité politique du pays et scindé le pays en deux camps qui s’opposent. La tenue d’élections présidentielles début 2020 sera centrale pour l’avenir démocratique du pays et la confiance dans les institutions.2

Au Chili, malgré les réformes sociales avancées par le gouvernement Piñera pour sortir de la crise, la contestation se poursuit et s’intensifie, fragilisant encore plus le pouvoir en place. Les revendications socio-économiques se sont teintées de politique avec la demande de la mise en place d’une nouvelle Constitution pour remplacer celle en place, héritée de la dictature de Pinochet. L’obtention de cette nouvelle constitution, devenue revendication centrale des manifestants, sera déterminante pour l’avenir du pays et le renouveau de son pacte social3. Un référendum sur la nouvelle constitution sera donc organisé le 26 avril au Chili. S’il aboutit positivement, l’élection de l’Assemblée constituante ou du Congrès mixte au Chili se tiendra en octobre 2020.4

En Colombie, les manifestations à la suite de l’appel à la grève générale ont aussi mis en évidence les revendications socio-économiques de la population colombienne. De plus, la fragilité des Accords de paix remis en question et la multiplication des assassinats de leaders politiques et sociaux interrogent sur la possibilité de conserver la paix dans un pays profondément divisé. La reprise des tensions en Colombie cet été est-elle le signe du retour à un climat de violence généralisée ou le simple symptôme des dysfonctionnements de l’accord de paix de 2016 ?5

Colombie, criminalité et économie parallèles

Risque d’éclatements en Argentine et au Brésil 

En Argentine, la victoire d’Alberto Fernandez aux dernières présidentielles a sanctionné la politique économique, affiliée au FMI, du président sortant Macri. Pour autant, face à une crise économique et financière historique, les défis sont de taille pour le nouveau président. Les cent premiers jours du président font l’objet de beaucoup d’attente.

Au Brésil, le risque de contagion du pays par la vague de contestation latino-américaine est grande dans un contexte d’accroissement des inégalités. Les suspicions de corruption de certains membres de l’actuel gouvernement ainsi que de l’entourage du président fragilise la confiance des citoyens dans l’administration Bolsonaro. Les municipales d’octobre seront un moment clé de l’actualité brésilienne et un test pour le gouvernement en place.

Enlisement des conflits au Venezuela et au Nicaragua

Dans le cas de la crise au Venezuela et au Nicaragua, les conflits continuent de s’enliser et aucun des acteurs ne semble parvenir à tirer son épingle du jeu pour parvenir à une sortie de crise. Sur la question vénézuélienne, notre entretien avec Temir Porras, ancien directeur de cabinet de Nicolás Maduro, vous donne les clefs pour comprendre pourquoi et comment il faut faire dialoguer les deux camps qui s’opposent au Venezuela.6

Sources
  1. DIGNAT Étienne & FONDACCI Elvire, Le néolibéralisme contre l’État, comprendre la crise en Équateur avec Guillaume Long, Le Grand Continent, 29 octobre 2019
  2. TORRENT Marine & ZEMMOUCHE Florent, Conversation avec Salvador Romero Ballivián, président du Tribunal Électoral Suprême de Bolivie, Le Grand Continent, 26 décembre 2019
  3. CORONA RAVEST Francisca, Le printemps chilien : la fin du modèle néolibéral, Le Grand Continent, 14 novembre 2019
  4. La Lettre du Lundi, 30 décembre 2019
  5. GOUEZ Riwanon, Colombie : l’illusion du post-conflit, Le Grand Continent, 7 octobre 2019
  6. GEG | Amériques, « Dans la crise au Venezuela, une autre voie est possible », conversation avec Temir Porras, Le Grand Continent, 7 mai 2019