Madrid. Après le refus du Brésil l’année dernière, c’est au tour du Chili de se désister fin octobre pour l’accueil de la 25e Conférence des Parties1. C’est donc à Madrid que se déroulera la COP25, du 2 au 13 décembre 2019, même si le Chili en conservera la présidence.

La COP24 de Katowice (Pologne) en décembre 2018 avait permis d’avancer sur la mise en œuvre de l’Accord de Paris, obtenu lors de la COP21 en 2015. C’est dans ce cadre et pour fournir un cadre d’application concret à l’Accord de Paris que le “Paris Rulebook” avait alors été adopté2. Par ailleurs, la Conférence des Parties de Katowice a posé l’obligation pour les pays de régulariser leurs donations au Fonds Vert (GCF, créé lors de la COP15 de Copenhague en 2009), qui doit permettre aux pays en développement d’avancer dans la mise en œuvre de leurs NDCs (contributions déterminées au niveau national, c’est à dire les engagements propres à chaque Etat en matière de climat)3. Ces dotations sont en effet supposées atteindre plus de 100 milliards de dollars d’ici 2020.

Mais le “Katowice Climate Package”4 ne fait mention ni des droits humains, ni de la garantie de la sécurité alimentaire, ni des générations futures. En outre, les règles du Fonds d’adaptation au changement climatique sont jugées trop peu contraignantes et les sommes promises aux Etats en développement semblent insuffisantes à un réel avancement dans l’adaptation au changement climatique. Enfin, il n’aborde pas la question des marchés carbone qui ne font pas consensus au sein des pays, pas plus que le périmètre des pertes et dommages causés par le changement climatique5.

Finalement, même si elle a permis d’avancer dans la mise en œuvre de l’Accord de Paris, la COP24 de Katowice a un bilan qui reste mitigé. Les engagements des Parties doivent être plus ambitieux pour respecter les objectifs de cet accord, à savoir limiter la hausse des températures en deçà des 2°C.

L’enjeu de cette année est donc de pallier ce manque d’ambition et de franchir des étapes clés avant 2020, date à laquelle seront réévalués les engagements des Etats par rapport à la COP21, dans la continuité de ce qui a été initié le 23 septembre dernier par le Secrétaire général de l’ONU. António Guterres a en effet convié 130 pays au Sommet “Action Climat”6 au siège de l’ONU à New York ; seuls une soixantaine d’Etats ont toutefois répondu présent, du fait des exigences ambitieuses du Secrétaire général7 : António Guterres avait en effet demandé aux chefs d’Etat de venir avec des engagements concrets, notamment sur la neutralité carbone à l’horizon 2050. Notons que 66 pays (dont les pays de l’Union européenne ou encore l’Argentine, la Colombie, et le Chili) se sont engagés à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, un bon signe pour la COP25. D’autant que cette “Blue COP” prend place peu après le dernier rapport du GIEC sur l’Océan et la cryosphère8. La biodiversité et les impacts du changement climatique devraient donc avoir une place centrale dans les discussions de cette année et dans la recherche de solutions durables (par exemple il devrait y avoir une inclusion dans les NDCs de solutions fondées sur la protection des écosystèmes)9.

“L’UE, acteur pivot de la transition écologique”

Certains pays se sont déjà engagés à réviser à la hausse leur NDCs d’ici 2020, comme le Costa Rica, le Chili, les Maldives, l’Ukraine, le Vietnam, la Norvège, le Qatar, le Liban et les Barbades.

Quant aux Etats européens, ils font figure de leaders dans le cadre des négociations sur le climat. Le 4 octobre dernier, le Conseil de l’UE a arrêté la position de l’Union pour la COP25 (5) : la priorité sera ainsi notamment de mettre sur la table les domaines qui n’ont pas su faire consensus lors de la COP24, à savoir principalement de s’accorder sur des lignes directrices pour la mise en oeuvre du mécanisme de coopération volontaire, réexaminer le mécanisme international sur les pertes et préjudices, et avancer sur les dispositions du cadre de transparence (à savoir la possibilité de suivre pour chaque pays ses émissions de gaz à effet de serre, ses politiques publiques et ses actions concrètes pour lutter contre le changement climatique).

Ainsi, Le Conseil de l’UE envoie un message politique de l’importance des questions climatiques pour les pays européens. Il souligne les efforts de l’UE dans ce domaine, notamment dans la dissociation de la croissance économique et des émissions de gaz à effet de serre (GES) : entre 1990 et 2017, l’économie de l’UE a connu une croissance de 58 %, tandis que les émissions totales de GES ont reculé de 22 %10. Dans le cadre de sa contribution à l’Accord de Paris, l’UE s’était ainsi engagée à réduire de 40 % ses émissions de GES par rapport au niveau de 1990 d’ici 2030. Pour cela, elle s’est dotée d’un cadre législatif contraignant, à savoir le Paquet sur le climat et l’énergie à l’horizon 2020, qui fixe trois grands objectifs : la réduction des GES de 20 % d’ici 2020, porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans la consommation de l’UE et améliorer l’efficacité énergétique de 20 % 11. La nouvelle Présidente de la Commission européenne a exposé au Parlement le 16 juillet dernier ses orientations pour sa mandature : elle annonce ainsi un “Green Deal européen” qui a pour but de faire de l’Europe le “premier continent climatiquement neutre au monde” d’ici 2050, avec une baisse des GES de 55 %, au delà des engagements pris lors de l’Accord de Paris.

La COP25 devrait donc être dans la continuité de la COP24 quant à la mise en œuvre de l’Accord de Paris au travers de divers instruments et à l’engagement d’un maximum d’Etats dans la réduction de leur impact environnemental. Le rehaussement des ambitions climatiques dans la perspective de 2020 sera le point central de la conférence de décembre12. Les sujets qui n’ont pas été traités lors de la COP 24 devraient recevoir une plus forte attention13. Dans un contexte tendu avec certains pays en matière de diplomatie climatique, on peut toutefois s’attendre à ce que les discussions soient difficiles. C’est le cas avec le Brésil de Jair Bolsonaro, qui avait retiré sa candidature à l’organisation de la COP25, ou encore avec les Etats-Unis de Donald Trump, lequel a officiellement notifié à l’ONU le 4 novembre dernier la sortie de son pays de l’Accord de Paris (qui sera effective dans un an). Dans ce contexte, l’Union européenne a un rôle diplomatique crucial à jouer. La Russie a quant à elle récemment fait un geste vers le reste de la communauté internationale en adoptant en septembre 2019 une résolution gouvernementale consacrant son adhésion définitive à l’Accord de Paris. Bien que cette résolution ne fasse pas office de ratification, elle témoigne d’une position marquée de la Russie en faveur des initiatives de lutte contre le changement climatique et surtout en opposition aux Etats-Unis14.

Perspectives :

  • Les engagements pris lors de la COP25 doivent être suivis de près puisqu’ils annonceront la dynamique de la COP26 en 2020.
  • La COP26 de Glasgow est une étape particulièrement importante des négociations climatiques, puisque c’est à cette occasion que les engagements de la COP21, notamment en matière de NDCs, seront mis à jour et rehaussés.
Sources
  1. NILSSON Cyril, RALLO Renato, Finalement, le bateau de la COP25 traversera l’Atlantique, Le Grand Continent, 2 novembre 2019
  2. Ordre des Avocats de Paris, Maison du Barreau « Enjeux environnementaux, défis juridiques à l’aune de la COP25 au Chili », mai 2019.
  3. UNCC, Nationally Determined Contributions (NDCs)
  4. UNFCC, The Katowice climate package : Making The Paris Agreement Work For All
  5. RALLO Renato, Géopolitique du climat : comprendre les COP, Le Grand Continent, avril 2019.
  6. ONU, Communiqué de presse du sommet pour le climat, 23 septembre 2019
  7. ALEX Bastien et TASSE Julia, Sommet sur le climat : et après ?, IRIS, septembre 2019.
  8. IPCC, Special Report on the Ocean and Cryosphere in a Changing Climate, 25 septembre 2019
  9. TREYER Sébastien, COP 25 : préparer 2020 en coordonnant les ambitions pour le climat et pour la biodiversité, IDDRI, novembre 2019.
  10. PELEGRIN Clémence, Écologie ou croissance : faut-il choisir ?, Le Grand Continent, 1 novembre 2019
  11. Commission européenne, Paquet sur le climat et l’énergie à l’horizon 2020
  12. VALLEJO Lola et LEVAÏ David, Accroître l’ambition climatique : le défi de l’année, IDDRI, février 2019.
  13. United Nations on Climate Change, About the UN Climate Change Conference – December 2019.
  14. ALEX Bastien et TASSE Julia, Sommet sur le climat : et après ?, IRIS, septembre 2019.