Le grand écart de Jair Bolsonaro avec Xi Jinping ?

Fondé par Jim O’ Neil, économiste chez Goldman Sachs, en 2001, en référence au mot anglais crib (berceau), pour désigner les pôles émergents de croissance à fort potentiel, l’acronyme BRIC se verra complété par l’arrivée de l’Afrique du Sud et un premier sommet en 20091. Sans véritable cohésion économique, ni politique ou stratégique, marquée même par la forte concurrence entre grands États émergents (notamment Inde et Chine), cette organisation internationale structure néanmoins l’agenda international.
Jair Bolsonaro a accueilli ses homologues, tous non occidentaux, pouvant ainsi jouer sur l’écart avec la politique étrangère de Trump en Amérique latine. Le président brésilien a surtout donné un espace important à Xi Jinping en précisant que « La Chine fait de plus en plus partie de l’avenir du Brésil » et tous deux ont fustigé « le protectionnisme et les intimidations qui perturbent l’économie et le commerce mondial »2.

La Chine et son carnet de chèques : faire monter en puissance l’influence chinoise dans l’arrière-cour américaine

Dans la continuité d’une dynamique diplomatique intense, après avoir reçu le président français et s’être arrêté en Grèce, Xi Jinping est resté deux jours au Brésil pour rencontrer ses homologues des BRICS. L’occasion, une fois de plus et sans réserve pour le leader chinois, de promouvoir le libre-échange et le multilatéralisme (en apparence) et de proposer aux Brésiliens une zone de libre-échange, tout en poursuivant les investissements (plus de 100 milliards de dollars entre 2007 et 20183). L’horizon stratégique chinois se constitue précisément autour d’une politique du carnet de chèques, comprenant la vente d’infrastructures d’aménagement chez le géant lusophone, un soutien aux équipements 5G de la compagnie Huawei plus particulièrement et, dans le cadre du projet Belt and Road Initiave, l’exploitation de minerais, de produits agricoles et d’élevage et d’infrastructures (ports, routes et réseaux). La Chine est le premier partenaire commercial du Brésil (90 milliards de dollars d’échange).

Si le président Bolsonaro avait reçu le soutien américain et largement fait la critique du régime chinois pendant sa campagne et au début de son mandat, le politique ne pourra pas tenir sur le moyen terme la forte concurrence stratégico-diplomatique sino-américaine sur son territoire comme dans son discours. À un autre niveau, la diaspora brésilienne en Chine et les diasporas chinoises au Brésil sont fort nombreuses, témoignant des réalités économiques et des réseaux transnationaux hors de la sphère d’influence occidentale.

Gouvernance

Si les leaders indien, russe et sud-africain sont plus effacés, il n’en demeure pas moins que chacun représente un relais d’influence au sein même de l’organisation. Le sommet est l’occasion de discuter des dossiers économiques en marge des questions centrales : reconsidération voulue par Pékin de l’adhésion de New Delhi au RECP, discussions entre Modi et Poutine, etc. Aussi, le lancement de la banque des BRICS (12.5 milliards de prêts) et le souhait d’ouverture de cette organisation internationale l’inscrit au-delà d’une posture post tiers-mondiste, cherchant à accroître son influence dans les affaires mondiales4. Reste à savoir si le rôle de la Chine en matière commerciale et politique ne polarisera pas trop une supposée gouvernance interne qui se cherche, à un moment où la guerre commerciale sino-américaine rebat les cartes de la géoéconomie globale et des technologies5.