Beni. Des opérations militaires conjointes ont débuté le 31 octobre dans la région de l’Ituri, dans l’est de la RD Congo, contre des groupes armés liés aux FDA1. Ce n’est pas la première fois : déjà en 2017 il y avait eu des actions menées par les armées de Kampala et de Kinshasa, mais la centralité de ce mouvement réside à la fois dans l’extension et le nombre d’acteurs impliqués (RD Congo, Tanzanie, Ouganda, Rwanda et Burundi) et dans le fait que c’est la première apparition diplomatique pertinente de Félix Tshisekedi dans cette région2.

La principale préoccupation est certainement la force tactique sur laquelle les FDA peuvent compter, qui profitent de plus en plus du territoire montagneux et du trafic transfrontalier (véritable canal d’approvisionnement du mouvement), ainsi que les tensions désormais consolidées entre l’Ouganda et le Rwanda, qui pourraient constituer une limite très grave à l’efficacité de l’action3. Récemment, les attaques des FDA ont causé la mort de 10 civils, frappant une population déjà mise à l’épreuve par les épidémies d’Ebola4.

Le 25 octobre à Goma, au Nord-Kivu, s’est tenue une réunion fondamentale entre les chefs d’état-major des 5 pays des Grands Lacs, définissant les lignes opérationnelles et le calendrier5. L’objectif clair de cette action est la limitation et la neutralisation de certaines des cellules présentes dans la région de l’Ituri, et dans la ville de Beni en particulier. Les FDA sont la cible principale, avec leurs avantages stratégiques, également parce qu’elles représenteraient un petit foyer islamique dans une région non affectée par le phénomène djihadiste. La principale question sur la table reste le rôle de la MONUSCO, qui connaît une réduction progressive de ses effectifs et qui n’a apporté un soutien logistique qu’à l’armée de Kinshasa, craignant une infiltration excessive par d’autres pays6.

Pour Félix Tshisekedi, il s’agit du premier pas décisif dans le domaine oriental, “au nom de la sécurité et de la paix”7 : le point central pour Kinshasa et pour le Président congolais reste une souveraineté très limitée dans une région qui est le pivot d’une hégémonie étrangère effective. Pour le pouvoir central de Kinshasa, historiquement, les provinces du Kivu et de l’Ituri ont constitué le principal problème en matière de sécurité, et Tshisekedi a montré sa ligne à cet égard8. Ce ne sont certainement pas les premières actions dans cette direction, mais elles sont les premières avec un tel nombre de contributeurs. La diversification de l’appui est cependant une limite, étant donné que les deux hégémonies militaires régionales par excellence, le Rwanda et l’Ouganda, connaissent une période de tensions latentes, notamment en vue des élections présidentielles de 2021 à Kampala9.

Dans une lettre envoyée au Conseil de sécurité de l’ONU en décembre 2018, le groupe d’experts a dénoncé la forte ingérence étrangère dans le recrutement et l’armement des miliciens en Ituri et dans la région d’Uvira. Ce document a confirmé une réalité déjà consolidée, mais il a souligné le rôle de Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’état-major du Rwanda, accusé par Paul Kagame de fomenter de l’extérieur les pôles de l’opposition interne. Le soutien logistique de certaines parties de l’armée burundaise et le soutien politique de l’Ouganda sont les principales raisons de la tension régionale, notamment entre les deux hégémonies militaires par excellence10. Cette hostilité mutuelle risque d’être la véritable limite opérationnelle de l’action militaire, d’autant plus que l’Ouganda et le Rwanda seraient les principaux contributeurs à l’opération : les élections présidentielles ougandaises seront un test fondamental pour Museveni, qui a accusé Bobi Wine, chanteur et leader bien connu de l’opposition, et Paul Kagame, d’être “les vrais ennemis de l’Ouganda”11. Dans le contexte de ces tensions, les entreprises et les institutions financières appellent toutefois à une plus grande interaction commerciale et à une relance des relations entre les deux pays12. Actuellement, certains points de passage à la frontière des deux pays sont fermés (comme celui du pont de Gatuna), ce qui renforce le trafic transfrontalier illicite13. La détérioration des relations entre les deux pays a rendu la réalité des armements encore plus incontrôlable, entraînant un renforcement collatéral des groupes paramilitaires locaux, engloutis également par les attaques contre les populations civiles : le 5 novembre, 10 civils ont perdu la vie dans une attaque menée par les FAA près de la ville de Beni.14. Selon certains membres de l’armée congolaise, forcer les milices (en particulier l’ADF) à attaquer les centres habités pourrait être utile pour les pousser hors des zones montagneuses15. La triste réalité, cependant, décrit une image très critique, en particulier pour les crises humanitaires constantes dues aux flambées d’Ebola, un autre problème plus urgent pour les acteurs régionaux.

Perspectives

  • 2021 : Élections présidentielles en Ouganda. Actuellement, Yoweri Museveni tente d’affaiblir la base électorale de Bobi Wine, son principal adversaire (qui peut compter sur le soutien des jeunes des grandes villes du sud) l’accusant d’être un mandataire pour le Rwanda et Kagame.
  • Un autre problème grave est la fragmentation de certaines autres réalités paramilitaires dans la région. La mort et l’arrestation d’éminents représentants des FDLR (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda) pourraient être un motif de division et de formation de nouveaux noyaux, en particulier au Sud-Kivu et dans la région de Bukavu.