Oslo. La violence et le terrorisme d’extrême droite ont une longue et douloureuse histoire dans de nombreux pays, y compris en France, où des groupes comme l’Organisation Armée Secrète et le Groupe Charles-Martel ont été à l’origine d’un certain nombre d’attentats qui ont fait de nombreuses victimes dans les années 1960 et 1970. Plus récemment cependant, le schéma général de la violence et du terrorisme d’extrême droite s’est caractérisé par des incidents relativement fréquents, occasionnant toutefois peu de morts. Le terrorisme d’extrême droite, qui a été éclipsé par le terrorisme djihadiste à grande échelle, qui a fait un grand nombre de victimes au cours des deux dernières décennies, a donc été relégué au second plan des priorités en matière de sûreté. Cependant, même des attaques à petite échelle (mais fréquentes) perpétrées par des militants d’extrême droite ont, par exemple, tué plusieurs centaines de migrants en Russie entre 2006 et 2010. Aux États-Unis, plus de personnes ont été tuées par des extrémistes de droite que par des extrémistes islamistes après le 11 septembre.1 En outre, les attentats du 22 juillet 2011 en Norvège et ceux du 15 mars 2019 à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, ont démontré que des acteurs isolés inspirés par des vues d’extrême droite sont prêts et capables de tuer un grand nombre de personnes.2 Ces assassinats de masse ne sont plus des cas exceptionnels, mais semblent avoir établi une nouvelle norme pour une nouvelle génération de terroristes d’extrême droite. Ils opèrent seuls, mais sont reliés entre eux par le biais de communautés virtuelles sur Internet, où plusieurs individus ont été invités à imiter le modus operandi de leurs modèles et prédécesseurs, et même à essayer de les surpasser dans les massacres.

L’Europe occidentale a connu un pic d’attaques meurtrières de droite dans la première moitié des années 1990, et à nouveau au tournant du millénaire, mais la tendance générale a légèrement été à la baisse. En 2014, il n’y a pas eu d’attentats mortels de droite en Europe occidentale, puis un seul en 2015, avant d’atteindre le sommet de neuf attentats meurtriers en 2016, peut-être en lien avec la crise migratoire. Toutefois, la tendance à la baisse s’est poursuivie en 2017 avec trois attentats meurtriers, suivis de deux en 2018. Les tendances sont assez similaires aux États-Unis, avec un nombre d’attaques légèrement plus élevé dans les années 1990 qu’au cours de la dernière décennie, mais avec quelques pics significatifs. L’année 2009 a été l’une des plus marquantes. Ce n’est probablement pas un hasard si c’était la première année de présidence de Barack Obama, le premier président noir des États-Unis — un événement qui a choqué l’extrême droite américaine.3

Ces dernières années, la menace terroriste de l’extrême droite semble davantage prise au sérieux au niveau politique ainsi que par les services de sécurité et la police. Cela s’explique en partie par les attentats du 22 juillet en Norvège en 2011, et la série d’attentats connexes à Christchurch (Nouvelle-Zélande), Poway et El Paso (États-Unis), Bærum (Norvège) et Halle (Allemagne) en 2019 contribuera probablement davantage encore aux activités des décideurs et services de sécurité. Toutefois, le fait que, dans l’ensemble, le terrorisme d’extrême-droite demeure généralement une menace très fréquente et faible — avec tout de même quelques attentats faisant un grand nombre de victimes entre les deux — peut cacher le fait que, cumulativement, ce terrorisme tue et blesse de nombreuses personnes et en terrorise de nombreuses autres.

Source  : BJØRGO Tore, AASLAND RAVNDAL Jacob, Extreme-Right Violence and Terrorism  : Concepts, Patterns, and Responses, ICCT

Bien qu’il soit tentant de considérer que la menace et la violence du terrorisme d’extrême droite soient égales à la menace du terrorisme islamiste, il s’agit en réalité de deux phénomènes tout à fait différents. Tout aussi mortels qu’ils soient, les modes opératoires de violence diffèrent beaucoup, les agresseurs sont différents et s’organisent différemment dans chacun des deux cas. Les réponses doivent tenir compte du fait que les menaces terroristes les plus graves de l’extrême droite ne proviennent pas d’organisations traditionnelles, de réseaux en face à face ou de bandes de skinheads, mais de plus en plus d’individus agissant seuls mais trouvant leurs justifications idéologiques, leur inspiration tactique et leur soutien social dans des communautés extrémistes en ligne. Pour prévenir de futures attaques, il est nécessaire de comprendre et de surveiller ces cultures souterraines sur Internet. La fermeture de certains sites extrémistes peut avoir un effet perturbateur à court terme, mais elle ne fera qu’entraîner un jeu du chat et de la souris et rendre plus difficile leur surveillance.4

Source  : BJØRGO Tore, AASLAND RAVNDAL Jacob, Extreme-Right Violence and Terrorism  : Concepts, Patterns, and Responses, ICCT

Bien qu’il soit notoirement difficile de détecter et d’arrêter les terroristes agissant seuls, les possibilités existent de perturber les attaques à différentes étapes du processus. Les recherches ont montré que la plupart des acteurs isolés et des meurtriers de masse ont tendance à divulguer leurs intentions violentes à leur famille, à leurs amis ou à d’autres personnes avant qu’ils ne commettent leur attaque.5 Les préparatifs avant l’attaque et les changements de comportement peuvent également alerter leur entourage qu’il se passe quelque chose d’étrange. Afin de porter ces inquiétudes à la connaissance des autorités compétentes, il est important que le public soit informé des menaces potentielles et sache vers qui aller avec ses inquiétudes. Cela exige que les gens aient un niveau de confiance minimum dans la police et les services de sécurité. Une telle confiance se construit en temps de paix, en établissant une réputation d’équité pour que la police et les services de sécurité soient perçues comme servant et protégeant la communauté6.

Les préparatifs avant l’attaque et les changements de comportement peuvent également alerter leur entourage qu’il se passe quelque chose d’étrange. Afin de porter ces inquiétudes à la connaissance des autorités compétentes, il est important que le public soit informé des menaces potentielles et sache vers qui aller avec ses inquiétudes. Cela exige que les gens aient un niveau de confiance minimum dans la police et les services de sécurité. Une telle confiance se construit en temps de paix, en établissant une réputation d’équité pour que la police et les services de sécurité soient perçues comme servant et protégeant la communauté7.

Sources
  1. START, National Consortium for the study of terrorism and responses to terrorism, Islamist and Far-Right Homicides in the United States, février 2017.
  2. COLLOT Giovanni, L’attentat de Christchurch et le suprématisme blanc transnational, Le Grand Continent, 17 mars 2019.
  3. CARELLA Leonardo, Comment le racisme favorise les fusillades de masse aux États-Unis, Le Grand Continent, 7 aout 2019.
  4. SPAAIJ Ramon, Understanding Lone Wolf Terrorism : Global Patterns, Motivations and Prevention, Springer, 2012.
  5. BJØRGO Tore, AASLAND RAVNDAL Jacob, Extreme-Right Violence and Terrorism : Concepts, Patterns, and Responses, International Center for Counter-Terrorism – ICCT, 23 septembre 2019.
  6. BJØRGO Tore, Counter-terrorism as crime prevention : a holistic approach, Behavioral Sciences of Terrorism and Political Aggression, Volume 8, 2015 – Issue 1 : Assisting Practitioners to Understand Countering Violent Extremism.
  7. BJØRGO Tore, Counter-terrorism as crime prevention : a holistic approach, Behavioral Sciences of Terrorism and Political Aggression, Volume 8, 2015 – Issue 1 : Assisting Practitioners to Understand Countering Violent Extremism.
Crédits
Une version plus longue de cet article a été publiée à l’origine par l’International Center for Counter-Terrorism (ICCT) avec le titre Extreme-Right Violence and Terrorism : Concepts, Patterns, and Responses.