Reykjavik. Pour la toute première fois, des représentants des huit pays membres du Conseil de l’Arctique, des organisations autochtones du Conseil et des groupes de travail se sont réunis le 9 octobre dernier dans une réunion conjointe avec le Conseil Économique de l’Arctique afin de discuter de l’élargissement de leur coopération dans les domaines tels que la télécommunication, la conservation de la biodiversité et le transport maritime.

Le CEA a été créé pendant la présidence canadienne au CA entre 2013 et 2015 pour inscrire les réalités économiques et commerciales dans les discussions multilatérales du CA. Cette organisation regroupe Etats, organisations autochtones, entreprises et autres acteurs ayant un intérêt économique ou commercial en Arctique.1

La création du CEA est le reflet de la prise en considération de la nécessité de promouvoir le développement dans une région qui est deux fois plus sensible aux bouleversements climatiques comparativement au reste de la planète ; et qui de part ce phénomène ouvre de nouvelles opportunités économiques, commerciales et industrielles (comme le passage Nord-Est ou l’extraction des ressources naturelles par exemple) profitables, dans le discours du moins, aux Etats, aux entreprises et aux populations autochtones.

Un premier pas vers la coopération entre le CA et le CEA a été fait quelques mois plus tôt, lors de la signature d’un mémorandum avec la principale volonté de placer les enjeux économiques et commerciaux au cœur des discussions intergouvernementales. Ainsi, les signataires de ce mémorandum reconnaissent que des changements stratégiques doivent être opérés dans un contexte où le bien-être, la sécurité et la prospérité sont les objectifs premiers à la construction active de partenariat fondée sur l’élaboration et la défense d’intérêts communs et à la participation effective des populations autochtones au processus de prise de décision.

Le grand-nord connaît aujourd’hui, et ce, depuis plusieurs années, une influence extérieure croissante en raison de l’ouverture de la région à la géopolitique et géoéconomie internationale. Il était par conséquent impératif pour ces deux entités de renforcer leurs relations afin de répondre à leurs enjeux communs dans un contexte ou le développement durable doit devenir l’essence de la bonne gouvernance régionale.2

Il n’est également pas sans rappeler que les principaux défis de développement se retrouvent dans la nécessité de concilier le développement économique avec la protection de l’environnement.

Un accent sur la Blue Economy : reflet des objectifs de développement durable des Nations-unies ?

Il est particulièrement intéressant de constater l’intérêt croissant des institutions arctiques en ce qui concerne la ‘Blue Economy’. Cette notion se réfère à un usage durable des ressources maritimes pour le développement économique tant sur une perspective de l’emploi que sur la préservation des écosystèmes. Récemment appliquée à l’Arctique, la ‘Blue Economy’ touche un grand nombre de secteurs allant de l’extraction des ressources pétrolières à la pêche en passant par la protection des littoraux. La promotion de la ‘Blue Economy’ serait par conséquent au cœur de la stratégie du CA et du CEA.

De part les activités humaines, l’Océan Arctique devient de plus en plus fragile. En effet, il regorge de ressources diverses (gaz, pétrole, or, terres rares, diamants, etc.) dont les exploitations sont aujourd’hui au cœur des ambitions étatiques.3 L’usage de ces ressources doit donc faire l’objet d’un cadre réglementé afin que leur exploitation n’ait pas de conséquence aggravante sur la faune ou la flore océanique et terrestre, ni sur les populations autochtones bien souvent affectées par les activités économiques et industrielles4. A contrario, ces activités humaines et de part les opportunités de travail qu’elles impliquent, peuvent aussi répondre aux besoins des populations autochtones qui font face à des situations de précarité croissantes.

La mise en place de la ‘Blue Economy’ répondrait donc aux dix-sept objectifs de développement durable établit par l’Organisation des Nations-Unies. Ainsi, la gestion durable des intérêts économiques et commerciaux devrait satisfaire la protection de la biosphère, le développement social, le développement économique et la mise en place de partenariats communs afin de répondre à ces objectifs.

Il est cependant à noter que le CEA a préféré se tourner vers le prisme des échanges commerciaux pour répondre aux enjeux de développement. Ceci est critiquable dans la mesure où le CA défend le développement durable dont la protection de l’environnement est devenue le noyau des discussions tandis que l’organisation laisse la gestion du développement ‘économique’ ouverte aux intérêts commerciaux et à l’industrialisation de la région.