Helsinki. Paysages d’icebergs et de banquise s’étendant à perte de vue, fjords, forêt de taïga, aurores boréales… l’Arctique, par son esthétique unique au monde attire de plus en plus de touristes, de 500 000 visiteurs en 1992 à près de 2 millions aujourd’hui d’après l’ONU. Alors que la région se réchauffe deux fois plus vite que le reste du monde, un nombre croissant de visiteurs cherche à découvrir ce territoire menacé par les bouleversements climatiques, paradoxalement perçu comme un espace encore préservé des activités humaines.1 En particulier, la Laponie finlandaise et sa capitale Rovaniemi se sont imposées comme un pôle du tourisme arctique. Au-delà d’une mise en valeur des paysages polaires, la région a misé sur les représentations culturelles associées à l’Arctique, considéré dans la culture populaire comme résidence du Père Noël. En effet, à partir des années 1920, Joulupukki, un personnage du folklore local qui résiderait dans la montagne de Korvantunturi en Laponie, est associé au Père Noël.2 Rovaniemi s’est par la suite autoproclamée capitale de Noël dans le monde. Depuis 1985, le « Village du Père Noël », symboliquement localisé sur le Cercle polaire, à quelques kilomètres au nord de la ville, attire près de 90 000 visiteurs par an, venus rencontrer le Père Noël, poster leur liste de cadeaux cachetée « officiellement », profiter de commerces et d’attractions.

Or, un nouveau projet de parc à thème voudrait pousser plus loin cette activité et attirer quelques 10 millions de visiteurs annuels.3 Baptisé « Republic of Santa Claus », ce parc s’étendrait sur plus de 7 000 ha, emploierait directement 10 000 personnes et nécessiterait un milliard d’euros d’investissements. Le parc serait divisé en trois parties distinctes, l’une dédiée aux traditions de Noël autour du monde, une autre serait une boule à neige géante de 25 ha enfermant un ensemble commerces et qui produirait artificiellement de la neige et des aurores boréales. Enfin un troisième espace, composé d’un complexe d’hôtels et de spas sera consacré à la santé et au bien-être. Si le projet attend encore la confirmation du gouvernement finlandais, la ville de Rovaniemi ainsi que Metsähallitus, l’entreprise d’État chargé de la gestion des espaces publics, ont déjà fait signifier leur soutien. Par ailleurs, Kimi Siitari, chef d’exploitation de « Republic of Santa Claus », a d’ores et déjà annoncé que des investisseurs européens, asiatiques et américains avaient prévus de soutenir le projet.4

Le parc à thème nécessiterait de développer un certain nombre d’infrastructures de transport pour accueillir ses visiteurs. Si l’aéroport de Rovaniemi reçoit annuellement près de 700 vols charters depuis des villes européennes, les ambitions du projet nécessiteraient d’au moins doubler ces capacités. Kimi Siitari propose d’interdire les déplacements en voiture au sein du parc ainsi que de mettre en place des navettes ferroviaires depuis l’aéroport et entre les différents espaces du parc, afin de limiter l’empreinte carbone des visiteurs. Le projet souhaite ainsi s’inscrire dans une perspective de développement durable, en s’approvisionnant par circuits courts et en s’alimentant en énergies renouvelables. Cependant, l’importance des besoins énergétiques nécessaires pose des questions quant aux impacts écologiques de ce projet au sein d’une région déjà particulièrement menacée par le changement climatique. Selon Kimi Siitari, l’attractivité du parc serait moins liée à ses infrastructures dédiées à l’univers de Noël qu’aux paysages polaires qui l’entourent : « La principale attraction sera la pureté de notre nature. La République du Père Noël sera un lieu d’exposition de tout ce qui est nécessaire pour que nos générations futures puissent profiter de la beauté de la nature » a-t-il déclaré au Barents Observer.

« Republic of Santa Claus » est présenté comme une opportunité de développement pour la Laponie finlandaise, région historiquement tournée vers l’exploitation forestière et l’extraction minière et où résident des communautés Samis autochtones, majoritairement démunies et vivant de l’élevage de rennes. Le nouveau parc à thème créerait indirectement 20 000 emplois, devenant le plus gros employeur de la région. Si le projet offre des perspectives pour les populations locales, il est important de se demander si celles-ci seront consultées tout au long de sa mise en œuvre, alors que le Conseil Saami a revendiqué dans sa nouvelle stratégie arctique une meilleure prise en compte de ses membres dans le développement de la Laponie.5 Finalement, « Republic of Santa Claus », encore au stade de projet, est représentatif des nombreux enjeux qui traversent l’Arctique scandinave, entre perspectives de développement touristique, bouleversements environnementaux et dialogues avec les populations locales.