Bruxelles. Un rapport récent du centre de stratégie politique européen (European Political Strategic Center – EPSC) – Walking on Thin Ice : A balanced Arctic Strategy for the EU – montre que la Commission européenne entend placer l’Union au cœur de la géopolitique de l’Arctique en reconnaissant que les bouleversements climatiques dans la région offrent de nouvelles opportunités, principalement économiques 1.

Ainsi, de nouvelles puissances font leur apparition dans l’échiquier politique de l’Arctique, comme la Chine, qui a rendu en janvier 2018 son premier rapport sur sa stratégie dans la région. 2 Pékin justifie ses ambitions par sa proximité avec les Etats du cercle polaire et du fait que les conditions naturelles de l’Arctique et leurs changements ont « un impact direct sur le système climatique et sur l’écologie chinois et par conséquent sur les intérêts économiques dans l’agriculture, dans le secteur forestier, dans la pêche, dans l’industrie marine et dans d’autres secteurs » 3.

C’est dans ce contexte que l’Union réaffirme ses ambitions et son rôle clé dans la gouvernance arctique, puisque elle compte trois États circumpolaires et permanents du Conseil de l’Arctique en tant que membres (le Danemark, la Finlande et la Suède). De part ce constat, l’Union considère les affaires arctiques comme étant de sa politique interne.

Une stratégie européenne de développement durable en opposition aux intérêts russes et américains

Faisant état de sa dernière communication datant de 2016 4, l’Union réaffirme ses ambitions dans la même lignée et entend se positionner dans la continuité des politiques entreprises par la Finlande, la Suède, le Canada, la Norvège et l’Islande :

  • Un développement durable dans la région qui passe par la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique, mais aussi de l’exploitation et l’extraction des ressources en limitant les insécurités sociales, humaines et environnementales qui en découlent ;
  • La promotion de la coopération internationale, à comprendre comme un rapport à la fois bilatéral et multilatéral des relations, ainsi qu’un renforcement des engagements avec les populations autochtones et leur participation aux prises de décisions ;
  • Une meilleure gouvernance de la pèche et une coopération scientifique.

L’Union marque donc sa volonté de se différencier des approches russes et américaines dans la région qui placent la promotion de leurs intérêts économiques et nationaux – militaires notamment 5 – au sommet de leur agenda arctique ; tout en reconnaissant les nouvelles opportunités qu’offre la région tant d’un point de vue économique (exploitation des ressources naturelles, le passage Nord-ouest et Nord-Est, construction de ports et aéroports, construction de nouvelles voies ferrées) que d’un point de vue technologique (par la digitalisation assurant une meilleure connexion dans la région).   

Il est à noter que cette nouvelle communication de l’Union ne fait que très peu état des enjeux de sécurité, à l’heure où le Canada, les États-Unis et la Russie croissent les exercices militaires dans la région.

Perspectives :

  • La régulation des activités économiques, dans le contexte de la lutte contre réchauffement climatique, devrait devenir le noyau de ‘l’interventionnisme’ européen dans les affaires arctiques.
  • Dans le cas où l’Union parvient à promouvoir le multilatéralisme dans la région, il ne fait pratiquement nul doute qu’elle pourrait constituer un bloc avec la Norvège et l’Islande afin de promouvoir le développement durable dans la région et de se protéger des intérêts sécuritaires grandissants des Etats circumpolaires et extra-circumpolaires.
Sources
  1. ]European Political Strategy Center, EPSC Strategic Notes : Walking on Thin Ice : A balanced Arctic Strategy for the EU, Issue 31, European Commission, Bruxelles, juillet 2019
  2. LOTTERO Luca, La Chine renforce sa flotte arctique, Le Grand Continent, 23 septembre 2018
  3. China’s Arctic Policy, Xinhua, 26 janvier 2018
  4. Commission européenne, Communication conjointe au parlement européen et au Conseil, Une politique arctique intégrée de l’Union européenne, Bruxelles, avril 2016
  5. LANTEIGNE Marc, Le nouveau visage de la sécurité dans l’arctique, Revue de l’OTAN, juin 2019