Londres. Avec un Parlement britannique suspendu jusqu’au 14 octobre, et un Premier ministre qui affirme qu’un accord est toujours possible même si, à Bruxelles, on estime que rien de concret n’a été pour l’instant proposé, la rencontre de lundi 16 septembre entre Boris Johnson et Jean-Claude Juncker pourrait s’avérer décisive, à un mois et demi de l’échéance.

Le texte de 500 pages qui constitue l’accord de retrait, négocié par le gouvernement de Theresa May, ne peut pas être renégocié dans des délais si rapprochés. Mais toute la discussion porte sur le fameux « backstop » nord-irlandais. Autrement dit sur le « filet de sécurité » – une sorte d’assurance vie imposée par l’Union européenne pour éviter un retour d’une frontière dure entre les deux Irlandes et éviter une trop grande porosité de la frontière terrestre du marché unique – que Boris Johnson rejette.

Un article publié vendredi 13 septembre dans le Times1 citant des sources anonymes, affirmait que le Parti Unioniste Démocrate (DUP) ne se montrerait plus fermé à l’application de certaines règles de l’Union en Irlande du Nord après le Brexit dans le cadre d’un nouvel accord visant à remplacer la clause de sauvegarde (« backstop ») pour la frontière irlandaise. Selon le journal, le parti unioniste, qui soutient le gouvernement du Premier ministre britannique, Boris Johnson, aurait aussi fait savoir lors de discussions privées qu’il ne s’opposerait plus à des contrôles en mer d’Irlande.

C’est un point essentiel, puisque le négociateur de l’Union européenne avait proposé, durant les négociations avec Theresa May, le principe de contrôles sans frontière. Des contrôles qui auraient lieu précisément en mer d’Irlande, c’est-à-dire entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne. Essentiellement dans les ports et les aéroports. A l’époque, le gouvernement May avait refusé cette proposition, demandant à ce que ce dispositif soit installé en revanche sur terre, entre les deux Irlande. Une contre-proposition à l’origine des fameux « arrangements alternatifs » évoqués depuis des mois, mais jugée irréaliste par Bruxelles.

Le DUP, hostile à tout ce qui pourrait ressembler de près ou de loin à un début de réunification de l’Irlande, attendrait en contrepartie de l’Union qu’elle écarte l’hypothèse d’un maintien de l’Irlande du Nord dans l’union douanière, selon The Times.

En réaction à cet article du Times, le DUP a fait savoir vendredi qu’il n’accepterait le maintien de règles de l’Union européenne (UE) en Irlande du Nord après le Brexit qu’à la seule condition que le Parlement nord-irlandais ait le pouvoir de choisir lesquelles conserver. « Les seuls arrangements que nous accepterons pour l’Irlande du Nord sont ceux dans lesquels l’Assemblée aurait un contrôle total sur la législation européenne », a déclaré le porte-parole du DUP, Sammy Wilson, à la BBC. « Dans ce cadre, nous envisagerions d’adopter une législation adaptée si nous pensons que c’est dans l’intérêt de l’économie nord-irlandaise », a-t-il ajouté.

Une proposition qui a peu de chance d’aboutir. Toutefois, dans ce même article du Times, Charles Grant, directeur du Centre for European Reform, affirme qu’un accord « est plus probable que je ne l’avais pensé ». Comme le relevait vendredi la BBC, « maintenant, les jeux tactiques sont en plein déploiement de tous côtés. Personne ne veut donner la sensation de trop bouger sur ses propres lignes »2.

Un article paru samedi matin sur le site de l’Irish Times 3 affirme néanmoins que des responsables de premier plan du DUP ont exprimé leur volonté d’accepter une coopération transfrontalière pour éviter le backstop et favoriser un accord. Jom Shannon déclare ainsi que son parti recherche « des méthodes pratiques et utiles » dans l’esprit des arrangements déjà existants en matière de produits alimentaires et agricoles sur l’ensemble du territoire irlandais.

« Si la coopération est une réelle coopération qui n’impacte pas notre position au sein du Royaume-Uni du point de vue constitutionnel ou politique, cela pourrait, et même peut être une façon d’aller de l’avant », a déclaré M. Shannon, excluant pour sa part l’hypothèse d’une frontière en mer d’Irlande.

Perspectives :

  • Lundi 16 septembre : rencontre à Luxembourg de Boris Johnson et Jean-Claude Juncker.
  • Lundi 14 octobre : fin de la suspension de l’activité parlementaire à Westminster.
  • Jeudi 17- Vendredi 18 octobre : Réunion du Conseil européen à Bruxelles.
  • Jeudi 31 octobre : date limite pour la sortie du Royaume-Uni de l’Union.
Sources
  1. WRIGHT Oliver, “Boris Johnson books lunch date with Jean-Claude Juncker”, The Times, September 13, 2019.
  2. McCORMACK Jayne, “Brexit backstop : will the DUP do a political 180 ?”, BBC. September 13, 2019.
  3. McCLEMENTS Freya, “DUP may support cross-Border ‘co-operation’ to avoid backstop”, The Irish Times. September 14, 2019