Rome. C’est le début du gouvernement « jaune-rouge ». Le 3 septembre, 79.3 % des électeurs 5 Étoiles ont dit oui à l’alliance avec le Parti Démocrate, sur la plateforme privée Rousseau (dont on ne connaît pas les règles qui peuvent en certifier la transparence)1. La participation a été très forte – « un plébiscite » selon le chef politique du mouvement Luigi Di Maio – mais ces quelques 80 000 citoyens appelés à se prononcer sur une décision aussi importante pour un parti représente une part assez dérisoire face aux 10 millions d’Italiens qui ont voté pour le M5S en 2018.2

Même si la liste des ministres nommés a une très claire valeur politique – avec, pour la première fois depuis 2010, un homme politique au poste de Ministre de l’Économie, le parlementaire européen Roberto Gualtieri (PD) – pour le moment le gouvernement, et c’est sa principale limite, ne se présente pas avec une vision nouvelle et forte, capable de justifier une convergence improvisée par des raisons de convenance réciproque, après des années d‘opposition féroce.

De plus, le nouveau gouvernement part déjà affaibli par une opposition interne : d’un côté, l’ancien président du Conseil Matteo Renzi (PD) aurait préféré d’autres noms pour l’équipe ministérielle. Pour cela, il continue à manifester sa perplexité, tout en déclarant : « ce n’est pas l’équipe de mes rêves, mais au moins Salvini a perdu ».3 De l’autre côté, le désormais ancien vice-premier ministre Matteo Salvini proteste contre l’alliance entre le M5S et le Parti démocrate, en disant qu’elle a donné vie à un « gouvernement voulu par Bruxelles ».4

Certes, en Europe l’Italie dispose de l’équipe la plus forte qu’elle n’ait eu depuis des années avec Gualtieri au Trésor, Paolo Gentiloni probable vice-président de la Commission européenne avec un portefeuille économique (plus David Sassoli à la tête du Parlement européen et Vincenzo Amendola aux Affaires européennes). Salvini dira que la loi de finances est écrite par les « gouvernements » de Merkel et Macron, qui aiment Gualtieri. Le pari est ardu, 40 jours pour faire une loi de finances qui risque de diviser la majorité.

Au niveau national en effet, le gouvernement Conte 2 dispose de moins de consensus populaire et de davantage de cohésion politique que le gouvernement Conte I. Selon les résultats des dernières élections européennes, les partis qui le composent ne représentent pas la majorité dans le pays (22,7 % pour le PD et 17,1 % pour le M5S). De plus, il s’agit d’un gouvernement sans leaders politiques : Salvini n’est plus là, Di Maio est amoindri, Zingaretti (secrétaire du Partie Démocrate) ne participe pas, Renzi continue à s’échauffer au bord du terrain. La nouvelle formation est donc moins forte mais aussi moins litigieuse : l’intention semble être de tenir jusqu’aux prochaines législatives en 2022.5

Le seul trait d’union du gouvernement qui vient de prêter serment au Quirinal semblerait être l’opposition à Salvini. Son objectif est en effet de contrer le leader de la Ligue sur les thèmes avec lesquels ce dernier a construit sa popularité : PIB, Nord et sécurité. Certains ministres sont en première ligne sur ce front. La présence de Roberto Gualtieri, notamment, représente une recette qui est l’antithèse de celle de la Ligue. Certes, beaucoup dépendra de ce qu’il réussira à obtenir de la part de la nouvelle Commission européenne.6.

Et puis il y a la mère de toutes les batailles : celle de la sécurité et de l’immigration. Le choix est tombé sur une technicienne, l’ancien préfet de Milan, Luciana Lamorgese, comme Ministre de l’Intérieur. L’intention évidente est d’estomper l’emphase politique sur une thématique qui a été la scène du leader de la Ligue.7

Trouver une ligne commune sur l’immigration semble difficile pour les deux partis. Une nouvelle loi est annoncée, pour dépasser la Bossi-Fini : elle a dix-sept ans et les événements ont montré qu’elle était dépassée car, en bref, elle a empêché les entrées légales mais elle n’a pas freiné les entrées illégales. Sur la lutte contre l’immigration clandestine annoncée, cela signifie de nouveaux accords avec la garde côtière libyenne. Il est donc évident qu’outre la droite, bien sûr, la gauche de Liberi e Uguali (LeU), et une partie du PD entreront en crise. Le nouveau gouvernement est à un carrefour : soit il les régularise tous (comme l’avait fait par ailleurs Berlusconi en 2002 à la promulgation de la nouvelle loi), soit il poursuivra les chimères de l’expulsion de masse. Des expulsions qui se sont révélées impossibles, car il manque les accords avec les pays d’origine. L’Italie, seule, ne parvient pas à imposer ce genre d’accord au pays émergents. Avec l’Union européenne, peut-être.

Perspectives :

  • Mardi 10 septembre : Ursula von der Leyen est attendue présenter officiellement sa Commission, après la nomination par l’Italie de Paolo Gentiloni comme son candidat.
Sources
  1. Marketing Cinq Etoiles, Le Grand Continent, 8 janvier 2019
  2. MAURO Ezio, La non democrazia delle segrete stanze, La Repubblica, 3 septembre 2019
  3. CUZZOCREA Annalisa, Renzi : “Non è il dream team, ma Salvini ha perso”, La Repubblica, 3 septembre 2019
  4. BONANNI Andrea, Il suicidio europeo di Salvini, La Repubblica, 3 septembre 2019
  5. POLITO Antonio, Forza e debolezza di un’alleanza, Corriere della Sera, 4 septembre 2019
  6. BREDA Marzio, Governo, i punti fermi di Mattarella su conti pubblici ed Europa, Corriere della Sera, 3 septembre 2019
  7. GIOVANNINI Roberto, Dalle tasse all’ambiente, i nodi del programma, La Stampa, 4 septembre 2019