Tashkent. L’Ouzbékistan a lancé la construction de la première centrale nucléaire d’Asie centrale. Elle est financée par la Russie et construite par le géant russe de l’énergie nucléaire Rosatom en coopération avec le Combinat minier et métallurgique de Navoï, l’entreprise publique ouzbèke monopolisant la filière de l’uranium. Pour 13 milliards de dollars, le pays entend ainsi assurer sa sécurité énergétique.

La construction de la centrale est inscrite dans un accord intergouvernemental « sur l’utilisation de l’énergie atomique à des fins pacifiques » signé pour la partie russe par Alexeï Likhachev, directeur de Rosatom, et par le vice-Premier ministre ouzbek Nodir Otajonov. Entré en vigueur en avril 2018, il convient de la construction d’une centrale et de réacteurs de recherche, en plus de l’exploration et de l’exploitation de gisements d’uranium, de la production et de l’utilisation d’isotopes, et de la formation de personnel ouzbek pour l’exploitation de la filière nucléaire en Ouzbékistan1. La centrale comptera quatre réacteurs pour une capacité de 1200 mégawatts (MW) chacun. Elle pourrait répondre à 14-18 % de la demande nationale en électricité2.

La centrale sera construite au nord-est du pays, dans le désert de Kyzylkoum riche en minerais, et notamment d’uranium. L’Ouzbékistan est le 11e pays en termes de réserves d’uranium au monde, et le 7e producteur (produisant 2400 tonnes par an), transformant sur place l’uranium qu’il exporte. Il sera ainsi dispensé de devoir s’approvisionner à l’étranger pour faire fonctionner sa centrale.

La centrale devra permettre au pays de mettre fin aux coupures d’électricité et de réduire sa dépendance au gaz naturel qui représente 88,5 % de sa production énergétique totale3. Le projet a néanmoins provoqué un débat autour de la sécurité et de la rentabilité de cet investissement de plusieurs dizaines de milliards de dollars, notamment au vu du potentiel solaire important dans ce pays aride. Certains militants écologistes et anti-nucléaires arguent que le développement de sources d’énergies locales et renouvelables (panneaux solaires, éoliennes, etc.) est stratégiquement plus sûre que de créer une super-structure centralisée4. Les autorités n’ont toutefois pas organisé de concertation avec la population ouzbèke avant de concrétiser le projet. 

Comme le Kazakhstan, qui envisage également de construire une centrale nucléaire, l’Ouzbékistan fait face à la nécessité de diversifier son économie mono-exportatrice d’hydrocarbures. Dans ces deux États, les besoins énergétiques augmentent avec la croissance démographique et l’urbanisation. En Ouzbékistan, la demande en électricité devrait augmenter de 25 % d’ici 20305, posant la question de l’autonomie et de la sécurité énergétique de manière pressante. La solution nucléaire fait que la Russie est en passe de devenir le garant de la sécurité énergétique de plus de plusieurs millions d’Ouzbeks. 

En effet, ce contrat stratégique pour la Russie implique le renforcement de la dépendance déjà importante de l’Ouzbékistan à son ancien colonisateur, qui est son deuxième partenaire commercial après la Chine.

Perspectives :

  • Si les délais sont respectés, le premier réacteur de la centrale doit être installé en 2028 et le second en 2030.
  • Par ailleurs, bien que Vladimir Poutine ait réitéré son offre de construire une centrale nucléaire, au président par intérim Qasym-Zhomart Tokaev cette année, le Kazakhstan semble pour l’instant avoir mis en suspens son projet qui date des années 1990, entre autres car les conséquences sanitaires et environnementales des essais nucléaires soviétiques se font encore ressentir dans le pays6.
Sources
  1. L’Ouzbékistan veut construire la première centrale nucléaire en Asie centrale, Novastan, 19 mai 2018
  2. GUY Agathe, Ouzbékistan : la centrale nucléaire sera dotée de deux réacteurs supplémentaires, Novastan, 17 juillet 2019
  3. VIGNAUD Clémentine, Sous le soleil ouzbek : comment l’Ouzbékistan essaie de développer les sources d’énergies alternatives, Novastan, 16 janvier 2018
  4. MAKARENKO Nikita, Атом уже рядом (L’atom est déjà proche), Газета.uz, 31 janvier 2018
  5. VIGNAUD Clémentine, Sous le soleil ouzbek : comment l’Ouzbékistan essaie de développer les sources d’énergies alternatives, Novastan, 16 janvier 2018
  6. PANNIER Bruce, Putin Offers Russian Help To Build Kazakh Nuclear Plant, Radio Free Europe – Radio Liberty, 6 avril 2019