Brasilia-Paris. Après la signature d’un contrat de fourniture d’énergie éolienne en novembre dernier via sa filiale EDF Renouvelables1, c’est à présent vers l’atome qu’EDF se tourne au Brésil. La compagnie publique Electronuclear, en charge du programme nucléaire civil brésilien, a en effet annoncé début août la relance de la construction du réacteur Angra 3, donnant un moyen à EDF de conforter sa position dans la région. Si le nucléaire ne représente que 2,7 % de la production d’électricité en 2016, sa part pourrait être amenée à augmenter dans les prochaines années, peut-être au détriment des énergies fossiles de base, représentant aujourd’hui 16,8 % de la production (cf figure 1).

Figure 1  : Mix électrique brésilien (2016). Source  : IEA Statistics

Aujourd’hui, le Brésil accueille deux centrales nucléaires types Réacteur à Eau Pressurisée (REP), Angra 1 et 2 d’une puissance respective de 600 et 1275 MW et connectées au réseau en 1982 et 20002. Elles sont situées à Angra dos Reis, à 200 km de Rio de Janeiro. Débutée en 1984, la centrale Angar 3 (1245 MW) n’a pourtant jamais été terminée et son chantier arrêté en 2015 à l’aube du scandale de corruption Petrobras qui entachait également la gouvernance de la compagnie Electronuclear. Aujourd’hui, le groupe public que le projet est à 63 % achevé3.

Dans ce contexte, Eletronuclear a décidé de relancer ce dernier avec un agenda ambitieux : ouverture des appels d’offre d’ici à la fin de l’année et sélection du partenaire privilégié début 2020. La production d’électricité est attendue pour 2025, avant une commercialisation de l’électricité début 2026. Si 11 sociétés concurrentes se sont déjà déclarées intéressées pour finir de construire la centrale, les autorités brésiliennes reconnaissent que « trois d’entre elles ont eu une participation plus active et discutent avec nous de longue date : le français EDF, le chinois CNNC et le russe Rosatom », selon Leonam Guimarães, président d’Electronuclear. Et pour cause, EDF joue déjà un rôle privilégié au Brésil dans le domaine du nucléaire via sa filiale Framatome qui est détentrice de la technologie utilisée pour Angra 3.

Cependant, la voie n’est pas pour autant grande ouverte pour EDF qui doit affronter ses concurrents russes et chinois avec leurs technologies ainsi que leur savoir-faire maintenant matures, alliés à des financements robustes et portés par les Etats eux-mêmes. Pour EDF, il s’agit donc plus de démontrer sa capacité à terminer ce projet dans les délais qu’à démontrer son expertise liée à une technologie maîtrisée et connue depuis longtemps.

Pour l’Europe et la France, ce projet pourrait finalement être l’occasion de nouer des liens plus forts avec le Brésil alors que l’accord de libre-échange avec le Mercosur avance. Avec l’Argentine, le Brésil est le seul pays à maîtriser la technologie nucléaire en Amérique du Sud, ce qui en fait donc un allié technologique et scientifique régional, alors que les Etats-Unis gardent une mainmise économique historique sur ce continent en pleine transformation (la renégociation du traité d’échange avec le Mexique le démontre en partie). De plus, étant une énergie de base, i.e pouvant fournir une énergie constante et pilotable selon la demande, le nucléaire pourrait, sous conditions de marchés favorables, remplacer le charbon ou le gaz et ainsi réduire les émissions de CO2 du pays conformément aux objectifs de l’Accord de Paris (l’industrialisation en cours du Brésil devrait cependant justifier d’une utilisation plus importante de l’électricité dans les années à venir ce qui pourrait freiner cet effort). Le Brésil dispose déjà, grâce à un parc hydroélectrique fournissant la majorité de l’électricité consommée, d’un rapport CO2 émis favorable/MWh généré favorable.

Pour autant, tant la Chine que la Russie lorgnent sur cette portion du monde afin d’y implanter leurs propres technologies. « Nous avons reçu la visite d’un fonds russo-chinois qui s’est montré très intéressé à l’idée de financer des projets de centrales nucléaires après la mise en service d’Angra 3 », a ainsi rapporté le président d’Electronuclear.

Perspectives  :

  • La relance de ce projet pourrait permettre à EDF de s’implanter plus intensément en Amérique du Sud pour y conforter la technologie nucléaire ;
  • Pour la France et l’Europe ce projet pourrait relancer la coopération dans le domaine du nucléaire et aider à renforcer les liens entre les deux continents dans les domaines scientifiques et technologiques ;
  • Dans le cadre de l’accord de Paris, remplacer les fossiles par le nucléaire pourrait aider le Brésil à atteindre ses objectifs bas-carbone ;
  • La présence des concurrents russes et chinois dans ce secteur industriel dans cette région doit cependant alerter les européens sur la montée en puissance de ces rivaux ainsi que de leur volonté d’y développer leur influence.