Maputo. Le 1er août, dans le parc national de Gorongosa, dans le centre du pays, Filipe Nyusi, président du Mozambique, et Ossufo Momade, président de la RENAMO (ancienne milice et principal parti d’opposition), ont signé un accord-cadre visant à tracer la feuille de route pour la pacification du pays1. L’accord historique, auquel ont participé des délégations étrangères et continentales, place la centralité de la réintégration sociale et professionnelle des milices impliquées sur le terrain dans le renforcement institutionnel en vue des élections générales. Le conflit entre le FRELIMO, ancienne milice et ancien parti pro-marxiste, et la RENAMO, ancienne milice et principal d’opposition, a connu plusieurs phases : la principale (de l’indépendance à 1992) a vu la signature des accords de Rome, avec le soutien de la Communauté de Sant’Egidio, suivie d’une deuxième phase (2013-2019), qui a inquiété la communauté locale et régionale, avec la reprise d’une crise qui aurait favorisé les infiltrations islamistes (en particulier dans les principaux centres économiques du pays). De Rome à Gorongosa : une comparaison est-elle possible ?2

Les diplomates occidentaux considéraient le Mozambique comme un bon exemple de fonctionnement de la démocratie en Afrique, notamment avec la signature des Accords de Rome de 1992, qui ont jeté les bases d’une structure institutionnelle solide, qui a duré jusqu’à la reprise des conflits en 2013. La principale préoccupation concerne le contexte de crise qu’a connu la région, avec des poussées islamistes qui ont caractérisé certains attentats terroristes dans le nord du pays entre 2015 et 2016. Nyusi et la RENAMO ont ainsi défini un cessez-le-feu en 2016, sans toutefois établir un programme efficace de médiation et de désarmement. Cela n’a pas favorisé le dialogue entre les deux parties, faisant obstacle à tout programme de construction politico-institutionnelle. Entre temps, le pays a néanmoins privilégié les investissements étrangers, notamment en termes d’infrastructures et de ressources énergétiques (l’ENI italien à Capo Delgado, par exemple), favorisant à long terme un climat de confiance mutuelle, base des accords du 1er août, et reprenant une partie des principes déjà établis en 19923.

Les accords signés par Nyusi et Momade comportent trois points fondamentaux : le désarmement de 5221 militants, leur réintégration dans les forces armées et sur le marché du travail et l’amnistie. Le principe reste celui déjà utilisé pour 1992 : tenter de renoncer à l’asymétrie en termes de pouvoir diplomatique, répondant ainsi aux besoins des deux parties4. Par rapport aux Accords de Rome, le FRELIMO et la RENAMO ont renoncé à leur contexte idéologique, répondant de plus en plus aux réalités régionales et ethniques. En fait, la polarisation politico-militaire du pays (FRELIMO davantage concentré sur les réalités sud et côtières, la RENAMO davantage centrée sur les zones rurales du centre) a favorisé la reprise des hostilités, mettant en péril un projet politique porteur d’espoir. Les accords de Rome et ceux du 1er août 2019 se sont déroulés en deux périodes de transitions importantes : la fin de la guerre froide, d’une part, une parabole de la croissance économique et sociale, de l’autre. Ces changements, qu’ils soient de nature géopolitique ou interne, ont de facto dicté l’agenda des besoins de la politique mozambicaine. Dans l’actualité, comme à l’époque, il y avait une question pressante de renforcement de l’intégration politique, afin de maximiser les cycles économiques favorables et d’amener le pays à la centralité politique en Afrique et dans l’océan Indien. Le récent cyclone Idai et la crise humanitaire persistante à Beira ont favorisé l’unité de la population locale et l’activisme interne dans le cadre de projets de coopération au développement (cette dernière bénéficiant d’un fort soutien européen). Dans la période précédant les élections, la gestion de la crise humanitaire et les points de l’accord constitueront les deux priorités de Maputo5.

Perspectives :

  • 15 octobre 2019 : élections générales
  • Le point central de la dialectique entre les deux parties concerne la structure économique et administrative. Reprenant également des visions historiquement présentes dans la dialectique du FRELIMO et de la RENAMO, le discours porte sur la conception d’un État centralisé (basé sur Nyusi) et sur la dérégulation (que soutient fortement la RENAMO). Cette divergence de vues caractérise la politique de nombreux États africains.
Sources
  1. Mozambique : accord de la paix historique entre le pouvoir et l’ex-rebellion de la RENAMO, France 24, 1 aout 2019.
  2. GENTILI Anna Maria, Lessons learned from the Mozambican Peace Process, IAI Working Paper, janvier 2013.
  3. La Paix au Mozambique 1992-2017, Commauté de Sant’Egidio, 4 octobre 2017.
  4. GENTILI Anna Maria, Lessons learned from the Mozambican Peace Process, IAI Working Paper, janvier 2013.
  5. Mozambique : accord de la paix historique entre le pouvoir et l’ex-rebellion de la RENAMO, France 24, 1 aout 2019.