Londres. Boris Johnson a perdu son premier test comme Premier ministre vendredi 2 août après que son candidat a été battu par un rival pro-UE lors d’une élection partielle, réduisant désormais sa majorité parlementaire à une seule voix. Au Royaume-Uni, une élection partielle (by-election) se tient lorsqu’un siège devient vacant à la Chambre des Communes entre deux élections générales. C’est le siège de la circonscription de Brecon et Radnorshire, au Pays de Galles, qui a été remporté par la candidate du parti libéral-démocrate Jane Dodds. Selon l’Eurasia Review, depuis 1990, les libéraux démocrates et les conservateurs se sont toujours alternés à la tête de cette circonscription. Lors du référendum de 2016, c’est le Leave qui l’avait emporté avec 52 % des voix. Cette fois c’est une candidate résolument pro Remain qui a gagné1. L’effet Boris Johnson ne s’est donc pas traduit dans les urnes.

Une nouvelle fois, le clivage qui semble désormais structurer la politique britannique n’est plus le clivage gauche-droite mais le clivage Leave-Remain. Selon le Guardian, le soutien en faveur des partis pro-Remain a éclipsé les partis pro-Leave, malgré la victoire générale du Brexit party lors des élections européennes2. Mais pourquoi cette défaite aux élections partielles est-elle un indice important pour la future décision du Brexit ? La semaine dernière – avec une chute de la livre sterling, la Banque d’Angleterre mettant en garde contre une possible récession et la défaite à l’élection partielle – a montré les turbulences que peut rapidement provoquer le mandat de Boris Johnson s’il persiste dans sa décision de mettre en œuvre, coûte que coûte, le Brexit dès le 31 octobre, avec ou sans accord : turbulences sur les marchés financiers ; turbulences sur l’unité du Royaume (Écosse et Irlande du Nord étant en ébullition) ; turbulences dans les rangs du Parlement. 

Cette ligne jusqu’au-boutiste était confirmée ce dimanche par les éléments d’un entretien réalisé par le Daily Telegraph – journal pro-Brexit où Boris Johnson lui-même était chroniqueur jusqu’à son entrée à Downing Street – avec Dominic Cummings, le très discuté conseiller du Premier ministre connu pour son projet de sortie sans accord. Selon M. Cummings, les députés britanniques ont laissé passer leur chance de peser pleinement sur la décision finale, et il n’exclut pas que le gouvernement, faute d’une majorité à Westminster pour le no-deal mais aussi d’une majorité pour le Remain, puisse passer en force3. Selon lui, même dans l’hypothèse d’un vote de défiance à la Chambre des Communes, le Premier ministre pourrait très bien programmer d’éventuelles élections anticipées « après Halloween ». Autrement dit, après la date fatidique du 31 octobre. Cela a suscité de nombreuses réactions de la part de députés et d’eurodéputés, choqués par l’hypothèse de voir le parlement britannique court-circuité sur un choix aussi crucial pour l’avenir du pays.

Selon le Financial Times, l’élection partielle de Brecon et Radnorshire est un rappel à l’ordre pour M. Johnson, à peine installé au pouvoir. Elle lui signifie qu’il prendrait un sérieux risque en se précipitant vers des élections anticipées, l’électorat étant très fluctuant et les Libéraux-Démocrates étant parvenus, dans cette circonscription, à renverser la majorité que possédaient les Conservateurs. Rien n’indique, selon John Curtice, que Boris Johnson ait la moindre chance de renforcer sa majorité en cas d’élections générales.4

Pour l’instant, les membres de la Chambre des Communes sont en vacances. La rentrée, en septembre, sera très houleuse. Dans un article remarqué paru dans l’Irish Times, un des meilleurs connaisseurs du dossier nord-irlandais, Fintan O’Toole, suggère même une stratégie pour tous les élus nord-irlandais à Westminster afin de bloquer l’hypothèse d’un no-deal.5 L’arrivée de Boris Johnson au gouvernement marque, certes, la prise de pouvoir des artisans du référendum de 2016, mais il est difficile d’imaginer, dans le berceau de la démocratie parlementaire, que le vénérable parlement britannique se laissera court-circuiter.

Perspectives  :

  • 4 septembre : rentrée parlementaire à Westminster.
  • 31 octobre : date limite du délai imparti par l’Union pour le Brexit.
  • 1 novembre : entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne.