Lisbonne. C’est au début du XIXe siècle que l’économiste anglais David Ricardo a élaboré l’un des concepts fondamentaux du commerce international. Selon sa théorie des avantages comparatifs, chaque pays doit se spécialiser dans la production de biens où il est le plus efficace et importer des biens dont la fabrication implique un coût plus élevé.1 Les échanges découlent de ce processus de spécialisation et, s’il s’effectue par le libre-échange, le niveau de consommation des deux parties finit par être supérieur à celui vérifié dans le régime isolationniste.

Descendant d’une famille de Juifs séfarades, David Ricardo a illustré son argumentation avec deux pays qu’il connaissait bien : le Portugal avait des avantages comparatifs dans la production de vin et l’Angleterre dans la fabrication de tissus, de sorte que tous deux gagnaient à exporter l’un et importer l’autre.

Aujourd’hui, deux cents ans plus tard, le Portugal et le Royaume-Uni se retrouvent dans des pôles opposés en ce qui concerne l’un des plus grands accords commerciaux jamais signés et qui a pour protagonistes le Mercosur et l’Union européenne. L’accord historique crée un marché de biens et de services de près de 800 millions de consommateurs et représente également un quart du produit intérieur brut mondial.2

Le Portugal, comme l’Espagne, s’est longtemps imposé comme l’un des principaux promoteurs de l’accord qui a mis vingt ans à voir le jour. Non seulement en raison des liens historiques qui rapprochent la péninsule ibérique de l’Atlantique Sud, mais aussi parce qu’il est reconnu que le pacte renforce les avantages comparatifs des deux blocs.

De fait, l’accord reflète cette complémentarité entre les économies du Mercosur et de l’Union. En même temps que les portes européennes s’ouvrent sur l’agriculture, la viande, le sucre et l’éthanol sud-américains, le Mercosur facilite l’entrée des automobiles, des chaussures et des produits chimiques européens. Parallèlement à l’élimination des droits de douane sur 93 % des exportations du Mercosur vers l’Union, les entreprises européennes économisent plus de 4 milliards d’euros de droits de douane par an.3

Tout aussi important que ces chiffres est la garantie que tous les participants respecteront les normes les plus élevées en matière de sécurité alimentaire, de protection des consommateurs et de protection de l’environnement.

Dans cette conjoncture, on s’attend maintenant à ce que la ratification par les parlements nationaux intervienne dans des délais satisfaisants, même dans ceux, comme en France et en Irlande, où certains anticorps persistent encore. Arrivé ici, il serait incompréhensible de voir le débat interne traîner indéfiniment pour protéger artificiellement un secteur ou assurer la victoire lors des prochaines élections. Nous ne pouvons pas défendre la mondialisation à l’étranger le matin et capitaliser sur le protectionnisme chez nous la nuit tombante.

Pour sa part, le Royaume-Uni sera exclu de l’accord – ainsi que de quarante autres pactes commerciaux signés entre l’Union et plus de soixante-dix pays – lorsque le Brexit deviendra réalité. En ce sens, l’accord avec le Mercosur constitue une réponse politique opportune à la résurgence de la rhétorique protectionniste et aussi, en pensant à la situation au Venezuela, une arme pour lutter contre les forces antidémocratiques.

Une fois mis en œuvre, l’accord entre le Mercosur et l’Union augmentera le niveau de bien-être des populations et ouvrira également de nouveaux marchés aux entreprises, même dans le domaine des marchés publics. Une des questions d’intérêt sera donc d’accompagner la réaction des électeurs qui, pouvant être inclus, ont été laissés de côté : se pourrait-il que ces consommateurs qui pourraient moins dépenser, ainsi que les entreprises qui auraient pu voir leurs coûts réduits, fassent payer cette différence à leur gouvernement au moment du vote ?

Si c’est le cas, il sera démontré que, plutôt qu’un pacte commercial, l’accord entre le Mercosur et l’Union constitue un manifeste politique avec un message clair : la mondialisation est irréversible.

Sources
  1. ROTHBARD Murray N., The Ricardian Law of Comparative Advantage, Mises, 26 avril 2012
  2. Commission Européenne, EU and Mercosur reach agreement on trade, 28 juin 2019
  3. Commission Européenne, Key elements of the EU-Mercosur trade agreement, 28 juin 2019