Téhéran, Bruxelles, Washington. L’Iran est en passe de ne plus respecter ses engagements au titre du JCPOA (Joint Comprehensive Plan of Action), ayant annoncé le 1er juillet qu’il avait dépassé la limite de 300 kg de stock d’uranium faiblement enrichi autorisé par l’accord signé en 2015.

Le 8 mai dernier, le président iranien Rouhani avait fait savoir que l’Iran ne respecterait plus certains de ses engagements au titre du JCPOA – dont les États-Unis se sont retirés unilatéralement le 8 mai 2018 – qui lui imposent d’exporter de l’uranium faiblement enrichi et de l’eau lourde pour ne pas dépasser les seuils fixés respectivement à 300 kg et 130 tonnes. Le Président iranien avait imposé aux Européens de trouver une solution pour permettre les exportations d’hydrocarbures et les relations bancaires depuis son pays malgré les sanctions, faute de quoi l’Iran dépasserait la limite d’enrichissement d’uranium imposée à 3,67 % et pourrait redémarrer le réacteur nucléaire civil d’Arak. Or, le mécanisme INSTEX, qui doit garantir la poursuite des échanges économiques entre l’Iran et l’Union, ne couvre pas les secteurs soumis aux sanctions américaines, et ne permet donc pas à l’Iran de profiter des bénéfices escomptés de l’accord.

Le 1er juillet, le Département d’Etat américain s’est dit prêt à renégocier un accord avec le régime iranien, mais que « tant que l’Iran continue de rejeter la diplomatie et étend son programme nucléaire, la pression économique et diplomatique va s’intensifier »1. De son côté, sur Twitter, Donald Trump a conseillé l’Iran de ne pas recourir aux menaces qui peuvent se retourner contre lui2.

L’Union européenne n’a ni les moyens de sauver le JCPOA sans le concours des États-Unis, ni la possibilité de condamner la stratégie unilatérale de pression maximale et la rhétorique menaçante de son allié. Dans un communiqué du 2 juillet, les ministres des Affaires étrangères français, britanniques et allemands ainsi que la haute représentante de l’Union européenne ont appelé l’Iran revenir sur le dépassement des seuils imposés « et à s’abstenir de toute mesure supplémentaire qui remette en cause l’accord nucléaire »3. Le président Macron a assuré que le dépassement ne déclencherait pas le mécanisme de snapback, à savoir le retour des sanctions européennes et onusiennes. De leur côté les Britanniques se montrent moins critiques à l’égard des Américains sans pour autant envisager le recours à la force, une prudence qui pourrait s’expliquer par l’instabilité politique interne au Royaume-Uni ainsi que par le souvenir de leur engagement en Irak en 2003.Concernant les deux derniers signataires du JCPOA : la Chine ne compte pas se laisser imposer de restrictions compte tenu de ses besoins en hydrocarbures et semble continuer à importer discrètement depuis l’Iran4. Avec la Russie, elle accuse par ailleurs les États-Unis d’être responsable du dépassement iranien, mais appelle tout de même l’Iran à la prudence.

Perspectives :

  • L’approche des élections présidentielles aux Etats-Unis (2020) peut limiter le risque d’un conflit armé. Néanmoins, l’issue du scrutin sera déterminante : conforté par une réélection, Donald Trump aura tout le loisir de mettre ses menaces à exécution.
  • Les alliés des américains dans la région se montrent prudent : Israël craint d’être la première cible de l’Iran en cas de conflit et Benyamin Netanyahou n’affiche plus publiquement son soutien à une potentielle intervention américaine ; les réactions modérées des pays du Golfe sont mises sur le compte de la lassitude face aux les crises qui touchent déjà la région (Yémen, Syrie, Lybie).