Pékin. La modernisation de la marine chinoise est un sujet bien connu en occident suscitant incertitudes et renouvellement des réflexions dans les milieux stratégiques. La République populaire de Chine célébrait en avril les 70 ans de sa marine, qui s’est vue entièrement modernisée ces 20 dernières années. L’évolution des doctrines d’emploi, la constitution d’une nouvelle stratégie maritime et la modernisation de la politique de défense ont déterminé l’évolution d’une marine de guerre de défense côtière vers une capacité de projection en haute mer1.

La formation des groupes aéronavals (porte-avions entourés d’autres bâtiments : sous-marins, aériens, de surface), la sous-marinade nucléaire (une dizaine de SNLE 094 et 096 et une vingtaine de SNA 093 et 095 pour 2030), les progrès dans la lutte anti-sous-marine ainsi que 60 corvettes de nouvelle génération (Type 056) et de 20 destroyers de 6 000 tonnes (Type 052D) mis à flot depuis 2012, témoignent des efforts de Pékin pour être la première marine en Asie et à terme recomposer les équilibres militaro-stratégiques en Asie-Pacifique2. Au total, la marine chinoise compte près de 600 navires de guerre et se positionne en second rang pour son tonnage.

Cette dynamique dans la construction et dans la modernisation des navires se double d’une montée en puissance des capacités balistiques. Début juin dernier, plusieurs clichés et vidéos ont circulé sur les réseaux sociaux chinois montrant une ligne panachée blanche dans le ciel, concomitamment à un avertissement de l’Administration maritime du Liaoning dans la nuit du 2 au 3 juin précisant la fermeture d’une zone maritime en raison d’une mission militaire. La marine chinoise a procédé à un tir d’essai d’un missile balistique mer-sol (SLBM) JL-3 depuis un sous-marin banc d’essai depuis le golfe de Bohai3. Plus récemment, en mer de Chine méridionale, Pékin a testé, pour la première fois dans la zone, des tirs de missiles balistiques anti navires4.

La Chine souhaite se doter d’une force de dissuasion nucléaire permanente à la mer et veut avoir accès aux eaux profondes du Pacifique afin de rivaliser avec les États-Unis. Ainsi, elle accroît ses capacités balistiques et nucléaires pour sécuriser son approche maritime (mer de Chine de l’est et méridionale), s’efforçant de faire le vide des forces navales, en particulier occidentales, dans son environnement régional, en déplaçant la tactique par l’utilisation de missiles à des fins stratégiques.

Perspectives :

  • Pékin prévoit la mise en service opérationnelle prochaine du second porte-avions, qui fait régulièrement des sorties en mer. Parallèlement, les efforts sur l’aéronaval et la construction d’un troisième porte-avions, à propulsion nucléaire cette fois-ci, viendront renforcer les capacités navales en Asie.
  • Si les incertitudes et doutes demeurent grands sur les capacités réelles de la Chine dans un conflit armé de haute intensité, précisément loin de son territoire et en haute mer, il n’en demeure pas moins que l’activité de sa Base Industrielle et technologique de Défense (BITD) et des mouvements de navires dans la plupart des mers du monde soulignent le caractère ambitieux de Pékin en matière militaire et stratégique à un horizon asiatique qui s’élargira au monde5.
Sources
  1. How is China modernizing its navy ?, ChinaPower, 17 décembre 2018
  2. SHELDON-DUPLAIX Alexandre, Les sous-marins chinois et la transformation du théâtre indopacifique, Areion 24, 19 mars 2019
  3. KEHNMANN Henri, Premier vol d’essai du nouveau SLBM chinois JL-3 ?, East Pendulum, 3 juin 2019
  4. US : China test-fired missiles into South China Sea, NHK News, 4 juillet 2019
  5. HEBRARD Patrick, Un dragon caché : la stratégie maritime de la Chine, AFRI, vol XV, 2014.