Londres. La Commission des affaires étrangères de la Chambre des Communes a estimé, le 24 juin , que le gouvernement britannique devait revoir rapidement sa stratégie vis-à-vis de l’Inde, et ne pas se contenter de se reposer sur l’héritage historique de la relation indo-britannique. Les députés de tous bords politiques demandent une relance de la négociation commerciale avec New Delhi ainsi qu’un assouplissement de la politique migratoire à l’égard des ressortissants indiens.

« Il y a une contradiction entre la promotion du ‘global Britain’ défendue par le Foreign and Commonwealth Office et la politique plus générale du gouvernement en matière de réduction draconienne de l’immigration », affirme le rapport de la Commission du Parlement intitulé : «  Les occasions manquées : la relation du RU avec l’Inde »1. Selon The Guardian, les Conservateurs ont maintenu leur objectif de ramener à juste quelques dizaines de milliers d’arrivées le nombre de migrants chaque année2.

Deuxième partenaire commercial de l’Inde il y a encore vingt ans, le Royaume-Uni n’est plus que le 17ème partenaire aujourd’hui de ce qui n’est plus une ancienne colonie britannique, mais l’une des grandes puissances émergentes à l’échelle mondiale. « L’Inde est un partenaire essentiel pour le Royaume-Uni », affirme Tom Tugendhat, le président conservateur de la Commission des affaires étrangères du Parlement, « notre relation et le pont vivant des personnes qui unissent nos nations ne peuvent que devenir de plus en plus importants ».

Dans un environnement international caractérisé par le risque de repli protectionniste, l’ambition de faire renouer le Royaume-Uni avec son prestigieux passé de puissance « globale » se heurte à une sérieuse concurrence. En l’occurrence, l’Inde et l’Union européenne entretiennent d’intenses relations, puisque le marché unique est le premier partenaire de New Delhi, devant la Chine et les Etats-Unis3. L’Union accueille 18 % des exportations indiennes, et des négociations sont actuellement en cours pour un accord de libre-échange, à l’image de ceux signés par Bruxelles avec le Japon, le Canada ou la semaine dernière avec le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay).

En cas de hard Brexit, le départ du Royaume-Uni du marché unique pourrait avoir un impact négatif sur les relations indo-britanniques, dans la mesure où Londres ne serait plus la porte d’entrée vers le vaste marché unique européen et l’ensemble de ses normes. Mais, selon The Diplomat, journal dédié aux affaires de l’Asie-Pacifique4, « alors que le Royaume-Uni et l’Union cherchent tous deux de nouvelles opportunités commerciales, l’Inde pourrait en être bénéficiaire ».

Il n’en reste pas moins que la contradiction induite par le Brexit en raison de la sensibilité de la question migratoire, entre le repli national et la prétendue renaissance d’une vocation globale, se fait sentir dans les statistiques. Comme le souligne le Financial Times5, « le gouvernement indien a très clairement exprimé qu’il ne se pressera pas de trouver un accord commercial avec le Royaume-Uni sans d’importantes concessions sur les mouvements de personnes ».

Le nombre de jeunes indiens venant étudier au Royaume-Uni a chuté de moitié en dix ans, passant de 40 000 en 2009-2010 à 20 000 en 2017-2018, en raison des politiques restrictives des gouvernements conservateurs successifs. Dans leur rapport, qui évoque également l’importance de la diaspora indienne dans le pays qui représente environ 1,5 million de personnes, les parlementaires évoquent aussi la question du tourisme, et affirment que le coût et la complexité des procédures pour obtenir un visa ont détourné les flux touristiques vers la France. « L’impact a été accentué par la perception que l’Inde était moins bien traitée que la Chine », affirme le rapport. « Quelque chose n’a pas fonctionné si il est plus difficile de visiter le Royaume-Uni ou d’y étudier pour des citoyens d’une démocratie stratégiquement importante et avec laquelle nous partageons des valeurs, une langue et une histoire, que pour une autocratie », affirment les parlementaires.

Source  : Building Bridges  : Reawakening UK-India ties
Sources
  1. Missed opportunities : The UK’s relationship with India, Rapport de la Commission parlementaire des Affaires étrangères, UK Parliament, 24 juin 2019
  2. PARTINGTON Richard, Ease migration rules for Indians to win post-Brexit deals, say MPs, The Guardian, 24 juin 2019
  3. SETH Rohan, India and Brexit : How New Delhi Can Position Itself to Maximize Benefits, 14 juin 2019
  4. SETH Rohan, India and Brexit : How New Delhi Can Position Itself to Maximize Benefits, 14 juin 2019
  5. STRAUSS Delphine, Immigration curbs hitting trade ties with India, say MPs, The Financial Times, 24 juin 2019