Londres. Attendu lundi 3 juin au Royaume-Uni pour une visite d’Etat et en France le 6 juin pour les célébrations du 75ème anniversaire du D-Day, le débarquement des forces alliées en 1944 pour libérer l’Europe de l’occupation nazie, le président américain a précédé sa visite de plusieurs déclarations fracassantes perçues comme autant d’ingérences dans la politique britannique et européenne. Dans un entretien au Sunday Times1, propriété de Rupert Murdoch, Donald Trump s’est dit clairement favorable à un Brexit sans accord et a invité les Britanniques à choisir Nigel Farage comme négociateur du Brexit avec l’Union européenne. L’ancien fondateur du UKIP et actuel leader du Brexit Party, l’un des principaux protagonistes du camp du Leave lors du référendum de 2016, avait été le premier politique britannique à rendre visite à Donald Trump, après sa victoire surprise à la présidentielle américaine de novembre 2016.

Dans cet entretien au Sunday Times, Donald Trump invite également les Britanniques à ne pas payer l’addition négociée avec Bruxelles « tant que les demandes britanniques ne seront pas exaucées ». Selon le président américain, qui l’an passé affirmait avoir conseillé Theresa May, il n’est jamais trop tard pour adopter une position dure. Dans un autre entretien au tabloïd The Sun, également propriété de Rupert Murdoch, publié samedi 1er juin2, Trump a fait une autre entorse au protocole, en s’ingérant dans la compétition au sein du parti conservateur pour la succession à Theresa May. « Boris ferait un très bon boulot », a déclaré le président américain, en référence à l’ancien ministre des affaires étrangères, Boris Johnson, donné favori dans les sondages internes au Tories. « Je l’aime. Je l’ai toujours aimé » a ajouté Donald Trump, révélant que d’autres candidats à la tête du parti conservateur l’avaient contacté pour obtenir son soutien public.

Dans un long article publié dans The Atlantic3, Thomas Wright, directeur du Centre sur les USA et l’Europe à la Brookings Institution, explique que les ingérences de Trump dans la politique britannique ont été incessantes depuis son arrivée à la Maison Blanche. « Il a brusqué et humilié Theresa May, il a accusé les services de renseignement britanniques de l’espionner, il a refusé d’écouter les autorités britanniques sur les dossiers communs comme l’Iran et le changement climatique ». Selon Thomas Wright, la « relation spéciale » entre Washington et Londres est à son minimum historique depuis 1956 et la crise de Suez. Le président américain a menacé Londres de suspendre la coopération en matière de renseignement si les Britanniques continuent à faire des affaires avec Huawei. Dans un discours prononcé à Londres en avril, Mike Pompeo, le Secrétaire d’État américain, a fait une comparaison avec Margaret Thatcher, la dame de fer, très peu élogieuse pour Theresa May. « Est-ce que la Dame de Fer serait restée silencieuse lorsque la Chine viole la souveraineté de nations par la corruption ou la coercition ? Aurait-elle toléré que la Chine contrôle l’internet de l’avenir ? ».

Alors que le Royaume-Uni traverse une profonde crise institutionnelle et politique (avec un écroulement des deux partis traditionnels de gouvernement au profit du Brexit Party et des Lib-Dem), la venue de Donald Trump ne va pas donner lieu à des négociations. Le gouvernement de Theresa May est démissionnaire et la prochaine équipe n’est pas connue. Mais la visite d’Etat et les commémorations officielles en Normandie vont offrir au Président américain une occasion d’apparaître sur la scène internationale, alors qu’il lance déjà sa campagne pour les élections présidentielles de novembre 2020. Des manifestations contre sa venue à Londres auront lieu pendant ce début de semaine. Le maire de Londres, Sadiq Khan, a eu des mots très durs, comparant le langage utilisé par Trump à celui « des fascistes du XXème siècle »4. Pour le maire, le Président Trump « n’est que l’un des plus remarquables exemples d’une menace globale croissante. L’extrême droite progresse partout dans le monde, menaçant nos droits et nos libertés acquis de haute lutte et les valeurs qui ont défini nos sociétés libérales et démocratiques depuis plus de 70 ans ».

Perspectives :

  • Lundi 3 – Jeudi 6 Juin. Visite de Donald Trump à Londres, Porsmouth et Caen
  • Vendredi 7 juin. Démission formelle de Theresa May
  • Avant fin juillet. Désignation du nouveau leader du parti conservateurJeudi 31 octobre. Date limite pour une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne