Londres. Une première ministre en larmes affichées à la Une. La presse britannique de samedi 25 mai publiait à l’unisson le portrait de la Première Ministre annonçant, la voix rompue par l’émotion, sa prochaine démission du 10 Downing Street. Après près de trois ans de gouvernement Theresa May abandonne, sous la pression devenue irrésistible de l’aile droite du parti conservateur. La paralysie de Westminster n’est pas seulement imputable à Mme May, tant les ambiguïtés au sein des Tories comme du Labour ont été permanentes depuis deux ans. Mais le bilan que les livres d’histoire tireront du passage de Mme May au sommet du pouvoir britannique sera un bilan d’échec. Elle avait été nommée pour résoudre la situation provoquée par le référendum de juin 2016, autrement dit pour gérer la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Elle s’en va sans avoir rien réglé.

Sans attendre le 7 juin, date à laquelle Mme May mettra un terme formellement à ses fonctions, la bataille pour la succession a déjà commencée au sein du parti conservateur. Donné largement favori parmi les militants conservateurs, Boris Johnson, l’ancien ministre des Affaires étrangères et ancien Maire de Londres, a aussitôt fait comprendre qu’il était candidat. Et que sa ligne serait plus intransigeante avec Bruxelles. « Avec ou sans accord, nous serons hors de l’Union le 31 octobre prochain », a-t-il déclaré. Ce qui a amené tous les observateurs à considérer que l’hypothèse d’une sortie sans accord est désormais renforcée. D’autant que son antagoniste numéro 1, Michael Gove, actuel secrétaire d’Etat à l’environnement, qui avait poignardé sa candidature au lendemain du référendum en 2016, s’est empressé lui aussi de déclarer sa candidature. « Je crois que je suis prêt pour unir les Conservateurs et l’Union Party nord-irlandais, je crois que je suis prêt pour concrétiser le Brexit et prêt pour diriger ce grand pays ».1

Mais les franges plus modérées du parti, hostiles à un Brexit sans accord, ont également exprimé le week-end dernier leur opposition à une dérive radicale. Philip Hammond, Chancelier de l’Echiquier, a clairement dénoncé les risques que comporte une sortie sans accord2. Et parallèlement, le Secrétaire d’Etat à la Justice, David Gauke, et le Secrétaire au développement international, Rory Stewart, ont immédiatement lancé samedi 25 mai un front « anti-Johnson », estimant qu’une  sortie ordonnée est la seule voie possible pour quitter l’Union.3 « Nous ne pouvons qu’affirmer que quitter l’Union européenne sans un accord ne peut être que nocif pour notre économie, ne peut qu’affaiblir nos relations de sécurité et menacer l’intégrité de noter union », affirment les deux membres du front modéré.

D’autant que le résultat des élections européennes ont confirmé la forte poussée populiste du Brexit Party de Nigel Farage, avocat résolu d’un Brexit dur et sans accord. Dans un article paru samedi  dans le quotidien italien Il Foglio4, Jacopo Iacoboni, expert du Mouvement 5 Etoiles depuis la naissance du mouvement, raconte comment Nigel Farage ne dirige pas un parti, mais une entreprise, en s’inspirant de Davide Casaleggio, le fondateur du Mouvement 5 étoiles (M5S). Les deux partis, UKIP et M5S, étaient d’ailleurs alliés dans le même groupe parlementaire au parlement européen, durant la législature qui s’achève. Le score du Brexit Party de Nigel Farage va peser dans les équilibres et les fractures au sein du Parti conservateur. Même si, d’une manière ou d’une autre, c’est devant le parlement qu’il faudra trouver un point d’accord recueillant une majorité. Et nulle part ailleurs.

Perspectives :

  • Vendredi 7 Juin : démission formelle de Theresa May  qui expédiera les affaires courantes.
  • Juin-Juillet : procédures de désignation d’un successeur au sein du Parti conservateur.
  • 31 octobre : fin du délai accordé par l’Union européenne pour une sortie ordonnée du Royaume-Uni.
Sources
  1. SHIPMAN Tim, Get Boris Johnson ! Michael Gove challenges his rival again, The Sunday Times, 26 mai 2019.
  2. HUGHES Laura, Philip Hammond warns Tory leadership hopefuls on no-deal Brexit stance, Financial Times, 25 mai 2019.
  3. SAVAGE Michael, DOWARD Jamie, HELM Toby, Stop Boris Johnson campaign launched by Tory moderates opposed to no-deal Brexit, The Guardian, 25 mai 2019.
  4. IACOBONI Jacopo, « Social, struttura centrale e donazioni. Cosi’ Farage ha fotocopiato il M5S », La Stampa, 25 mai 2019.