Kinshasa. Sylvestre Ilunga Ilukamba a été nommé Premier ministre de la République démocratique du Congo. C’est le principal résultat d’une médiation de quatre mois entre le nouveau président Felix Tshisekedi et Joseph Kabila, dont le parti est majoritaire au Parlement. Les consultations ont duré beaucoup plus longtemps que prévu en raison de l’opposition mutuelle aux noms proposés lors de la discussion sur la formation du gouvernement national1. Ilunga Ilukamba n’est pas un personnage qui rompt avec le passé, et ce n’est pas non plus l’homme d’État charismatique dont le pays a besoin pour sa reconstruction institutionnelle et politique. La “réconciliation nationale” risque d’être faussée par le désarmement et la cooptation des milices, souvent sans succès, ainsi que par une gestion fallacieuse des crises humanitaires. Le retour de Moise Katumbi à Lubumbashi pourrait constituer un autre problème2.

Professeur d’économie, figure marquante des années Mobutu, Ilunga Ilukamba n’est pas un nouveau visage de la politique congolaise. La République démocratique du Congo, dont le système institutionnel est très composite, a toujours eu des problèmes avec la composition numérique et les principaux dossiers gouvernementaux. Il sera très intéressant de comprendre comment la coalition nouvellement formée entre l’UPDS et le Parti du Peuple pour la Réconstruction et la Démocratie (PPRD) a influencé et influencera l’espace d’action déjà limité de l’exécutif . Un autre point fondamental est la relation avec les gouverneurs locaux, qui ont toujours joué un rôle central dans la mise en œuvre du programme national. Selon l’actualité, les deux points focaux sont la gestion, encore inexistante, de la crise humanitaire, due aux petites épidémies d’Ebola, et l’élaboration de programmes de cooptation et de médiation avec les milices, présentes surtout au Kasaï oriental et au Nord et au Sud-Kivu. Selon certaines rumeurs, de nombreux groupes armés reprennent les armes, malgré les programmes d’inclusion sociale et de réinsertion des plus jeunes sur le marché du travail3.

La “réconciliation nationale” comprend également l’opposition. Le 20 mai, après des mois d’incertitude sur les questions de sécurité, Moise Katumbi est rentré à Lubumbashi, accueilli par une foule festive4. Katumbi s’était rangé du côté de Martin Fayulu, puis avait reconsidéré certaines de ses positions. Moise Katumbi fait partie de cette classe entrepreneuriale et de la classe moyenne du Katanga qui a toujours vu d’un œil critique la centralité de Kinshasa, tout en abandonnant les exigences d’indépendance des années 60. Une autre figure politique importante est Jean Pierre Bemba, qui s’est retrouvé en marge de la vie politique congolaise depuis les élections présidentielles de décembre 2018. Entre-temps, Martin Fayulu, qui était le candidat favori à la présidence, a promis de travailler pour le bien du pays en s’opposant à l’axe désormais consolidé, Tshisekedi-Kabila. Ces derniers temps, Fayulu a abandonné certaines de ses positions radicales en raison d’un affaiblissement du soutien international, en particulier du côté français. Le ministre français des Affaires étrangères Jean Yves Le Drian a appelé à une normalisation des relations avec Kinshasa, y compris à travers des programmes de coopération au développement, avec un soutien aux caisses congolaises de 300 millions d’euros sur cinq ans5.

Perspectives :

  • Il est encore difficile de deviner la ligne diplomatique de Tshisekedi. Le renforcement de la souveraineté des États dans les provinces de l’Est est certainement au centre des préoccupations. Depuis les premières visites d’État à l’étranger, en particulier en Ouganda et au Rwanda, il n’y a pas eu de spectre d’action clair en matière de politique de sécurité. Tshisekedi, en revanche, semble vouloir renforcer les programmes de coopération militaire avec les acteurs européens, notamment la France et la Belgique.