Washington. Le 17 avril, le gouvernement américain a annoncé une série de mesures contre Cuba, le Venezuela et le Nicaragua. En particulier, le secrétaire d’État Mike Pompeo a annoncé qu’il ne renouvellerait pas l’exemption du titre III de la loi Helms-Burton, également connue sous le nom de Freedom Act de 1996, et que la mesure entrerait en vigueur aujourd’hui, le 2 mai 2019.

Dans le monde globalisé d’aujourd’hui, l’annonce d’une telle mesure n’a pas d’impact sur un seul pays. Cuba, qui s’efforce de dynamiser ses relations commerciales et qui connaît depuis quelques années une période de grâce avec l’Union (cf. la visite de Federica Mogherini à La Havane en janvier 2018), a obtenu un soutien rapide et positif de Bruxelles1 après l’annonce par Mike Pompeo de la réactivation du titre III du Helms-Burton.

Cette loi est entrée en vigueur sous l’administration de Bill Clinton à la suite de l’écrasement de deux avions du groupe contre-révolutionnaire Brothers to the Rescue survolant l’espace aérien cubain en février 1996. La loi permet à Washington d’appliquer des sanctions aux entreprises de pays tiers qui, dans le cadre de leurs activités à Cuba, utilisent ou trafiquent des propriétés appartenant à des entreprises américaines. Bien que les États-Unis aient tenté d’internationaliser cet acte, le président de la Commission européenne de l’époque, Jacques Santer, a réussi à faire reporter par Bill Clinton l’entrée en vigueur du titre III, qui permet la revendication des biens expropriés par la Révolution cubaine2. Enfin, en avril 1997, l’Union et les États-Unis ont signé un accord en échange de la promesse américaine de ne pas sanctionner les entreprises européennes investissant à Cuba.

Plus de vingt ans plus tard, l’Union continue de défendre ses intérêts commerciaux et ceux de ses investisseurs, mais la réaction de l’administration cubaine a changé. Alors que dans les années 1990, Fidel Castro qualifiait cet accord de « politique suiviste »3 de celle des Etats-Unis, en 2019, la presse officielle cubaine célèbre la déclaration de Mogherini et le soutien, entre autres, du Mexique et du Canada. Le gouvernement cubain a également déclaré qu’il dispose d’un cadre juridique (loi 80) qui invalide la mesure américaine et protège les investissements étrangers dans le pays4.

Il est tout à fait clair que les États-Unis reprennent ce mécanisme pour punir Cuba pour le soutien qu’ils apportent au Venezuela. Le conseiller à la sécurité nationale John Bolton a déclaré : « En ce moment, La Havane continue de soutenir Maduro et de l’aider à maintenir les souffrances brutales du peuple vénézuélien. Comme l’a dit le Président Trump, Maduro n’est qu’une marionnette cubaine »5. Le président cubain a demandé des preuves à l’appui de cette accusation, même si ces soupçons ne sont pas déraisonnables étant donné la solidarité entre les deux gouvernements et les intérêts politiques et économiques des deux parties dans cette relation.

Perspectives :

  • L’Espagne, l’un des principaux investisseurs dans le secteur du tourisme et des services de l’île, a déclaré qu’elle engagerait des poursuites diplomatiques et commerciales avec les États-Unis. Bien que l’entrée en vigueur de cette loi n’affectera pas fortement l’activité des entreprises espagnoles à Cuba, d’un point de vue juridique, elle pourrait entraîner l’ouverture de 200 000 poursuites judiciaires6.
  • Comme en 1997, la loi Helms-Burton et l’embargo permettent au gouvernement cubain de justifier dans une certaine mesure ses fiascos économiques et de renforcer ses liens politiques. Le plus grand impact à court et moyen terme pour Cuba n’est pas la réactivation de cette loi, mais la possible rupture avec le Venezuela si Juan Guaidó réussit à faire tomber Maduro. Le président autoproclamé a déclaré qu’une fois au pouvoir, il mettrait fin aux privilèges dont jouit Cuba. Ce scénario provoquerait une crise économique profonde dans le pays.