Bruxelles. « Nous voyons un besoin profond de coopération en matière de lutte contre la corruption et contre les détournements de fonds, notamment les détournements de fonds communs de l’Union », a déclaré le Premier ministre suédois Stefan Löfven lors d’un discours tenu le 3 avril dernier devant les parlementaires européens à Bruxelles1. Il s’est prononcé en faveur de la participation de la Suède au parquet européen, traçant ainsi les contours d’une politique davantage encore tournée vers la coopération renforcée au sein de l’Union. Pourtant, les ministres suédois des différentes coalitions se montrent clairement sceptiques vis-à-vis du projet de parquet européen. Face à cette frilosité, les États membres avaient opté pour la mise en oeuvre d’une coopération judiciaire renforcée plutôt que pour la mise en place d’une véritable politique judiciaire commune. Stefan Löfven semble avoir tranché pour le parti social-démocrate, première formation politique du pays. Il faut dire qu’il a reçu récemment le soutien des Modérés et des Démocrates chrétiens sur le sujet2. La dirigeante de ce dernier parti, Sara Skyttedal, a récemment annoncé que son parti avait également changé d’avis sur le sujet. Selon elle, les mesures antiterroristes de l’Union doivent être renforcées. Ils souhaitent désormais voir la Suède participer à la coopération de l’UE contre la fraude fiscale, mais vont même plus loin et réclament que la nouvelle autorité commune réponde également aux infractions terroristes. Pourtant, il y a encore deux ans, le parlement suédois décidait de maintenir la Suède à l’extérieur de la coopération judiciaire européenne. Encore récemment, le ministre de l’Intérieur Mikael Damberg déclarait dans un entretien avec EuropaPortalen qu’il n’était pas disposé à soutenir la proposition de la Commission européenne qui souhaitait étendre le mandat de l’autorité à la lutte antiterroriste.

Bien qu’il le nie dans la plupart des médias nationaux, cette proposition fait partie de la campagne de Stefan Löfven pour les élections européennes qui se tiendront le 26 mai prochain dans le pays. Le premier ministre s’est montré optimiste sur le taux de participation (51 % au dernier scrutin de 2014) et sur l’attachement des Suédois à l’égard de l’Union Européenne. Le parti est toujours à l’heure actuelle largement en tête dans les sondages (27,5 %) devant la formation d’extrême-droite des Démocrates de Suède (18 %)3.

Le parquet européen, ou procureur européen, devrait avoir le droit, dans certaines circonstances, d’enquêter et de poursuivre en justice les fraudes et autres infractions « affectant les intérêts financiers de l’UE »4. La Commission européenne espérait initialement impliquer tous les pays dans la coopération, mais cette dernière avait rencontré l’opposition de la Suède, du Danemark, du Royaume-Uni, de la Hongrie, de la Pologne et de l’Irlande et seuls 22 pays avaient choisi d’initier une coopération dite renforcée. Des travaux sont actuellement en cours pour nommer le premier procureur général européen. La roumaine Laura Codruta Kövesi et le français Jean-François Bohnert sont les principaux candidats. Au début, le parquet européen devrait débuter de manière relativement modeste avec un procureur sur place à Luxembourg à partir de l’année prochaine et des procureurs délégués dans chaque pays participant. L’autorité traitera à la fois les fraudes avec des fonds de l’Union (d’une valeur d’au moins 10 000 euros) et les grands délits de TVA internationaux (représentant plus de 10 millions d’euros). À plus long terme, toutefois, il est prévu de commencer à s’occuper des infractions terroristes transfrontalières.

Sources
  1. NUMMELIN Wiktor, Löfven säger ja till EU-åklagare, Coren.se, 3 avril 2019.
  2. BÜLOW Hans, Europavännen Löfven i Bryssel, Sydöstran, 3 avril 2019.
  3. Who will Swedes vote for in the European election ? A new poll gives us an idea, The Local Sweden, 28 février 2019.
  4. Löfven i Bryssel : EU måste stå upp för sina värderingar, EuropaPortalen, 4 avril 2019.