Stockholm. Depuis plusieurs mois, la Suède connaît un scandale bancaire sans précédent. Les soupçons s’amoncellent autour des activités de la banque suédoise Swedbank, qui pourrait avoir fait transiter 20 milliards d’euros par an (entre 2010 et 2016) de fonds d’origine suspecte via l’Estonie. Une affaire scandinave qui vient s’ajouter au scandale qui touche sa consoeur danoise Danske Bank, accusée de blanchiment présumé à hauteur de 200 milliards d’euros. Le 27 mars, la pression s’est fortement accentuée suite à la révélation d’un délit d’initié, les principaux actionnaires ayant été prévenus du lancement d’une enquête. Une perquisition a donc été menée par le Bureau des crimes économiques suédois au siège de Swedbank. Les deux banques scandinaves font donc l’objet d’une enquête commune au Danemark, en Estonie, en Grande-Bretagne, en France, aux États-Unis, et désormais en Suède 1.
Un scandale qui a contraint le gouvernement social-démocrate suédois à réagir. La ministre des Finances, Magdalena Andersson, critiquée par l’opposition de droite et de gauche pour avoir tardé à réagir, s’est fendue d’une explication en indiquant que l’inspection des Finances bénéficiait désormais de règles plus contraignantes, d’un encadrement accru des banques en matière de blanchiment de capitaux, ainsi que d’une augmentation des amendes et des ressources 2. Vendredi 29 mars, au cours d’une conférence de presse, la ministre s’est surtout déclarée en faveur de règles de lutte contre le blanchiment de capitaux plus sévères au niveau de l’Union. Lundi 1er avril, elle a ainsi rencontré ses homologues nordiques et baltes à Bruxelles, en marge d’une réunion de l’Eurogroupe 3.
Ces nouvelles règles, dont le contenu devrait être voté en séance plénière au Parlement européen mi-avril, prévoient notamment que l’Autorité bancaire européenne (ABE) soit dotée de dix postes supplémentaires pour lutter contre les fraudes bancaires, et notamment contre le blanchiment. Ces règles devraient entrer en vigueur en janvier prochain, donnant à l’ABE le pouvoir d’ordonner aux autorités nationales de lancer des enquêtes sur les banques ayant des activités suspectes, et de recommander des sanctions. Aujourd’hui, l’ABE peut seulement lancer des enquêtes après que les faits ont été révélés. Des normes communes devraient en outre être introduites, avec des évaluations collégiales des autorités compétentes dans les États membres, une coopération accrue et des partages d’information 4. Cependant, les États membres ont refusé fin mars la proposition de la Commission de donner à l’Autorité bancaire européenne davantage de droit de regard sur leurs affaires financières. En plus, au début du mois de mars, les 28 avaient déjà rejeté la proposition de renforcer les contrôles sur les transactions financières avec l’Arabie Saoudite et Panama.
Perspectives :
- Le Parlement européen votera sur les nouvelles règles enséance plénière mardi prochain, le 16 avril.
- La proposition de nouveaux pouvoirs pour l’ABE fait partie d’une refonte des compétences des organes de surveillance européens pour les banques (ABE), les marchés (Autorité européenne des marchés financiers – ESMA), et les assurances (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles – AEAPP), dans le contexte de la création d’un marché unique des capitaux.
Sources
- LEDERER Édouard, Soupçons de blanchiment : Swedbank limoge sa patronne, Les Echos, 28 mars 2019.
- HANSSON Anna, Strängare penningtvättslagar diskuteras i EU, SvD näringsliv, 29 mars 2019.
- Magdalena Andersson : Ökat samarbete mot penningtvätt, Affärs världen, 12 mars 2019.
- VALERO Jorge, Les gendarmes européens dotés de plus de pouvoir contre le blanchiment d’argent, Euractiv, 2 avril 2019.