Santiago. L’Amérique latine traverse un processus de mise à jour institutionnelle qui a commencé avec la chute de Dilma Rousseff, suivie par le retour au pouvoir des gouvernements libéraux et d’extrême droite et la création du Groupe de Lima pour négocier une solution politique à la crise vénézuélienne. Le Forum pour le progrès de l’Amérique du Sud est la prochaine étape de ce processus de réorganisation géopolitique avec pour conséquence la disparition des projets de la gauche latino-américaine, comme c’est le cas de l’UNASUR.

Bien que la Déclaration de Santiago stipule que le PROSUR cherche à promouvoir une prise de décision pragmatique et efficace loin des idéologies1, les pays signataires montrent une convergence des idées politiques, une rupture avec les élites qui les précédaient et des incitations externes telles que le rapprochement avec les États-Unis.

Rappelons que les processus d’intégration en Amérique latine témoignent d’une politisation de l’agenda régional et d’un espace pour la fourniture de biens publics, y compris les normes, les standards et les politiques dans les domaines non commerciaux2. Selon leur conception institutionnelle, des organisations comme l’UNASUR, l’ALBA ou le CELAC partagent le caractère présidentialiste, la fonction de forum de dialogue et de concertation politique, mais aussi la faiblesse institutionnelle3, caractéristiques qui ont accéléré la rupture des liens intra-régionaux en période de forte tension sur le continent.

Le PROSUR est considéré comme un nouvel espace d’intégration qui aspire à l’efficacité et à une institutionnalisation plus simple et moins coûteuse, avec des règles de fonctionnement plus claires et un mécanisme décisionnel agile. La nouvelle organisation cherche à approfondir son travail dans les domaines de l’infrastructure, de l’énergie, de la santé, de la défense, de la sécurité et de la lutte contre la criminalité, de la prévention et de la gestion des catastrophes naturelles4, reproduisant presque entièrement les lignes de travail de l’UNASUR.

Sur les douze pays du continent qui en faisaient partie, il n’en reste actuellement que cinq après que l’Equateur a annoncé le 14 mars 2019 sa sortie de l’organisation et même exigé la restitution du bâtiment du siège à la périphérie de Quito5. En 2018, l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Paraguay et le Pérou avaient décidé de suspendre leur adhésion. La Bolivie reste cependant à l’UNASUR et, suite à la déclaration de Lenín Moreno, a offert Cochabamba comme siège de l’organisation6. Le président uruguayen Tabaré Vázquez n’a pas non plus adhéré à l’acte constitutif du PROSUR tenu au Chili. Enfin, la position du Guyana, en conflit historique avec le Venezuela sur la souveraineté des terres d’Esequibo, est un autre exemple du caractère idéologique marqué qui unit les membres de l’institution nouvellement créée, même si le président colombien Iván Duque soutient le contraire.

Perspectives :

  • La disparition de l’UNASUR implique l’abandon de droits tels que les permis de travail temporaires qui profitent aux travailleurs de la région en termes de mobilité ou de rabais sur les médicaments et vaccins obtenus par l’Institut sud-américain du gouvernement en santé (ISAGS).
  • Bien que Juan Guaidó ait été invité à participer à la création du PROSUR et qu’il ait reçu un soutien individuel des pays qui composent le Forum, il ne s’est pas rendu à la réunion à Santiago du Chili. Reste à évaluer les initiatives conjointes que l’organisation projette pour soutenir le président autoproclamé dans sa course au Palais de Miraflores, et si elles seront parrainées par les États-Unis, comme le suggèrent les gouvernements de gauche.
  • Le Groupe de Lima a permis de vaticiner une tendance vers la médiation comme outil de résolution des conflits au Venezuela ; cependant, le PROSUR emploie une stratégie plus agressive et directe contre les organisations régionales latino-américaines qui a un impact sur les relations non seulement géopolitiques mais aussi économiques du continent.
Sources
  1. Declaración de Santiago, Ministère des affaires étrangères colombien, 22 mars 2019.
  2. BIANCULLI, Andrea, Latin America, in BÖRZEL, T. A. et RISE, T., The Oxford Handbook of Comparative Regionalism, 2016, pp.581-615.
  3. DABÈNE, Olivier, The politics of regional integration in Latin America : theoretical and comparative explorations, New York, Palgrave Macmillan, 2009, p.23.
  4. Declaración de Santiago, Ministère des affaires étrangères colombien, 22 mars 2019.
  5. MORÁN, Raphael, ¿Está la UNASUR viviendo sus últimos días tras la decisión de Lenin Moreno ?, RFI, 15 mars 2019.
  6. SILVA CUADRA, Germán, Prosur : la arriesgada apuesta de Sebastián Piñera e Iván Duque, France24, 20 mars 2019.