Jérusalem. « Mon gouvernement est fermement décidé à renforcer le partenariat entre le Brésil et Israël », a déclaré Bolsonaro qui offre à Israël un approfondissement de la coopération économique entre les deux pays. L’accueil de Netanyahou, qui est en pleine campagne pour les élections législatives le 9 avril, a été particulièrement chaleureux. Celui-ci paraît faire fi des récentes critiques sur son ouverture aux démocraties non-libérales et gouvernements à tendances autoritaires, après ses échanges avec Viktor Orbán 1 ou Matteo Salvini. Bolsonaro a vanté les avantages comparatifs de son pays, à savoir les terres et les ressources naturelles, et a proposé à Israël l’exploitation jointe sur le territoire brésilien de métaux et minerais comme le niobium ou le graphène. Une rencontre avec des entrepreneurs et startups israéliennes (notamment Mobileye, entreprise produisant des logiciels pour véhicules autonomes) a été organisée par l’Agence Brésilienne de Promotion des Exportations et Investissements, sur les thèmes de l’agriculture, la médecine ou la sécurité. Plusieurs accords ont été signés sur la défense, la cyber sécurité et la coopération policière, et le Brésil a annoncé l’ouverture d’un bureau de commerce et d’innovation à Jérusalem 2.

Si la rencontre était rythmée par des considérations économiques, la polémique a ressurgi suite à la visite du Mur des Lamentations en présence du premier ministre israélien, un acte symbolique légitimant implicitement la souveraineté israélienne à Jérusalem. Ce geste s’inscrit dans la lignée de la déclaration de Bolsonaro en octobre dernier, assurant un possible transfert de l’ambassade brésilienne de Tel Aviv à Jérusalem. La politique étrangère brésilienne continue ainsi dans son alignement avec les Etats-Unis dans le choix de ses partenaires commerciaux 3. Par ailleurs, la sélection de ses partenaires a été jusque-là plus idéologique que pragmatique (par exemple le rapprochement avec les pays d’Amérique latine gouvernés par la droite comme le Chili 4. Ce qui se confirme avec Israël, puisque Bolsonaro tient par là même à contenter une partie non négligeable de son électorat, à savoir les chrétiens évangéliques, très favorables au rapprochement avec Israël 5. En témoignent ses déclarations emphatiques telles que : « Israël, en comparaison avec le Brésil, n’a presque pas de terres et ressources naturelles, mais par-dessus tout a la foi. Et c’est avec cette foi qui déplace des montagnes que [Netanyahou] a réformé le pays » 6.

Néanmoins, Bolsonaro fait preuve de plus de prudence, et la coopération économique proposée à Israël semble être en ce sens moins un approfondissement qu’un assouplissement de ses précédentes prises de position pro-israéliennes au Moyen-Orient. Le Brésil tient à conserver ses intérêts économiques dans les pays arabes voisins, avec qui il avait tissé de forts liens commerciaux sous la présidence Lula. En particulier, la puissance lusophone compte beaucoup sur ses exportations de viande halal vers ces pays arabes, qui représente environ 4 milliards de dollars par an : les pays arabes du Moyen Orient constituent le deuxième débouché de l’industrie agricole brésilienne après la Chine. Bolsonaro, s’il veut préserver les intérêts brésiliens au Moyen-Orient, devra donc apaiser certaines tensions, notamment avec l’Egypte, qui a reporté la visite du ministre brésilien des Affaires étrangères devant avoir lieu en janvier dernier.

Perspectives :

  • Le parallélisme entre les alliances conclues par Trump et celles de Bolsonaro laisse-t-il entrevoir un contournement plus généralisé du multilatéralisme ? Ou est-ce seulement une relation bilatérale classique sans remise en question du paradigme multilatéral, comme en témoigne le soutien récent du Brésil à Israël au sein des Nations Unies ?
  • Le fait qu’un pays supplémentaire menace de déplacer son ambassade pourrait renforcer les clivages au Moyen-Orient et cristalliser les tensions autour de l’enjeu israélo-palestinien.
  • Il est difficile de comprendre cette rencontre dans le cadre d’une réelle stratégie internationale du Brésil. Est-ce un rapprochement purement idéologique ou bien une tentative de Bolsonaro de renforcer la légitimité de son régime par des alliances symboliques ? Les hésitations de Bolsonaro reflètent des divisions internes au sein du gouvernement brésilien : les partisans d’une politique extérieure idéologique contre les militaires qui tiennent à préserver la tradition diplomatique héritée de Lula.