Come What May

Londres. Le Royaume-Uni aurait déjà dû être sorti de l’Union européenne depuis samedi, comme initialement prévu par l’art. 50 du traité sur l’Union européenne – ou traité de Lisbonne – que Theresa May a activé il y a exactement deux ans. Une photographie, diffusée par Downing Street mardi 28 mars 2017, la montrait assise devant une cheminée, avant que les élections de juin 2017 ne marquent un tournant négatif pour sa majorité parlementaire, signant le document qui officialisait le lancement de deux ans de négociations.

Depuis, les deux parties sont arrivées à un accord, conformément à l’art. 50¹ , conçu durant l’été à la résidence de Chequers et approuvé à Bruxelles en novembre dernier. Cet accord a beaucoup voyagé de la Chambre Haute à la Chambre Basse britannique et aux institutions européennes, à cause essentiellement, comme May elle-même l’a explicité dans un discours prononcé au mois de janvier à Lancaster House, du très controversé backstop. Vendredi, cet accord a été rejeté par Westminster à une majorité de 344 voix contre 286. Pour la troisième fois.

La prolongation qui a permis un report de la date du 29 mars a été obtenue par la Première Ministre le 21 mars à Bruxelles. Lors de ce sommet européen, l’UE a mis le Royaume-Uni face à un aut-aut : accepter l’accord et sortir de façon « ordonnée » le 22 mai ; refuser l’accord et prendre une décision, au plus tard le 12 avril, sur la tenue d’élections européennes. Celles-ci impliqueraient la possibilité de reporter le Brexit jusqu’à 2022. Dans le cas contraire, un Brexit dur est à prévoir ce 12 avril même² .

Il y a quelques jours, la Première Ministre avait annoncé qu’elle quitterait ses fonctions si l’accord sur le Brexit était adopté. Cela aurait fait de May la quatrième Première ministre britannique à démissionner à cause de la question européenne, après Margaret Thatcher, David Cameron et John Major. Excellente nouvelle pour les hard-brexiters, à la tête desquels Boris Johnson et Jacob Rees-Mogg, voyant le double coup d’un Brexit dur et de nouvelles élections possible, ont déclaré voter en faveur d’un accord auquel ils s’étaient dits jusqu’à présent résolument hostiles³ . Enième paradoxe dans la saga du Brexit. Mettre sa tête sur un choix fondamental pour le pays devient fréquent. Mais la formule « Je me démets, si je gagne » est nouvelle et presque aussi complexe que le Brexit lui-même. L’ex Premier Ministre italien Matteo Renzi avait fait de même il y a deux ans, sur un choix majeur pour le pays, une réforme de la Constitution, mais à l’envers : « je me démets, si je perds », servant au peuple la possibilité de lui infliger une double défaite. Nul ne sait à quoi mènera la technique adoptée par Theresa May qui n’est pas sortie de son pari puisqu’elle n’exclut pas la possibilité d’un quatrième vote. Le sens profond de son sacrifice est que les élections législatives pourraient être un antidote de dernier recours permettant de négocier un report long du Brexit.

Ce qui est certain est que le pays se trouve face au risque de nouvelles élections sur fond de Brexit dur. Le prochain rendez-vous est le 10 avril avec un sommet européen convoqué par Donald Tusk, comme ultime recours. Aujourd’hui-même les députés de Westminster tenteront de s’accorder sur un plan B. Huit scénarios alternatifs ont été rejetés jusqu’à maintenant. La Grande-Bretagne retient son souffle. Et nous aussi.

Perspectives :

• Un sommet européen spécial a été convoqué le 10 avril.

Sources :

1. DUCOURTIEUX Cécile, PIETRALUNGA Cédric, STROOBANTS Jean-Pierre, Le Brexit n’aura pas lieu le 29 mars, Le Monde, 22 mars 2019.
2. Définition de Clause de retraite, Glossaire des synthèses, EU Lex.
3. Brexit : Theresa May a-t-elle une chance de faire voter son accord ?, L’Obs, 29 mars 2019.

Vera Marchand