Londres. Vendredi 5 avril, Theresa May a écrit une lettre à Donald Tusk, Président du Conseil européen, dans laquelle elle demande un report du Brexit au 30 juin, en spécifiant que si un accord est trouvé avant cette date, il n’y aurait même pas besoin d’attendre plus que ça 1. Mais l’on voit très mal comment le Parlement de Westminster, où les partis sont si profondément divisés sur la question que leurs factions, déjà envenimées, se sont scindées en sous-factions, pourrait parvenir à une solution avant le mois de juin. C’est le sommet extraordinaire européen du 10 avril qui nous dira à quelles conditions, et pour quel délai, un report est possible ou non.

Le Président Donald Tusk a soumis aux États membres de l’Union européenne le scénario d’un report « flexible » allant jusqu’à 12 mois 2. Les 27 ont accueilli avec scepticisme la demande faite par la Première ministre britannique. France et Allemagne hésitent. La France d’Emmanuel Macron semble assumer une ligne plus dure dans la négociation, ce qui n’est pas salué par tous les analystes. Cette semaine, Édouard Tétreau estimait dans Les Echos que « l’urgence est ailleurs » pour l’avenir de l’Europe 3. « Elle est dans la priorité nouvelle que nous devons accorder à notre relation avec la Grande-Bretagne. Dans les crises et conflits qui nous attendent au XXIe siècle, nous aurons besoin de cet allié indéfectible. Nos intérêts stratégiques sont bien plus alignés avec la Grande-Bretagne qu’avec n’importe quelle autre nation européenne. »

Plus nuancée, la Chancelière allemande a alterné ces derniers jours des messages de soutiens aux Irlandais, lors de sa visite à Dublin, et le rappel à Mme May que, pour avoir un report plus long que le 22 mai, il faudra que se tiennent au Royaume-Uni des élections européennes 4 Ce qui placerait les Britanniques non seulement dans la position d’un retour au Parlement européen particulièrement grotesque, mais aussi, légalement, en position de négocier la composition de la prochaine Commission européenne, les priorités du prochain exercice budgétaire, les grands choix à mener en matière de Défense ou d’agriculture. Ce qui effraye plus d’une délégation européenne à Bruxelles.

Après avoir repoussé la sortie du 29 mars au 12 avril, la Première ministre britannique espère gagner une nouvelle fois du temps. Comme un joueur estimant devoir utiliser jusqu’à la dernière carte indépendamment de sa couleur. Sans doute parce que, face à l’unité des Européens durant la négociation menée par Michel Barnier, les Conservateurs britanniques ont pu mesurer que, sur le calendrier, le front serait moins uni. L’art du report, auquel Theresa May semble céder irrésistiblement, rentre bien dans la culture de négociation des Britanniques, toujours prêts à changer de position jusqu’à la dernière minute. Mais il a aussi un inconvénient majeur. Jamais un no deal n’a paru si proche.

Perspectives :

  • Un sommet européen extraordinaire, ce mercredi 10 avril, nous dira si le Brexit aura lieu dans deux jours, quelques mois ou un an.
Sources
  1. MAY Theresa, Prime Minister’s letter to President Tusk, 5 avril 2019.
  2. Brexit : Tusk suggère un report « flexible » allant jusqu’à 12 mois, Agence France Presse, 5 avril 2019.
  3. TÉTREAU Édouard, Quelle Europe après le Brexit ?, Les Échos, 3 avril 2019.
  4. Nouveau report du Brexit ? Les 27 hésitent, Euronews, 5 avril 2019.