Londres. Le 29 mars 2019 aurait dû être le grand jour de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Il va falloir attendre encore un peu pour comprendre quelle direction va prendre le pays. Le Conseil européen du 21 mars a en effet décidé de prolonger de deux semaines la date butoir, dans le but de dissocier les éventuelles interférences avec le processus des élections européennes. La balle revient donc à Londres où, à ce jour, aucune majorité positive ne s’est dégagée. Le Parlement britannique a, durant les dernières semaines, voté contre l’accord de retrait, pour la seconde fois. Il a également voté un amendement contre l’hypothèse d’un « no deal ». Mais il n’a pas encore voté pour une solution « positive ».
Lors du Conseil européen, deux dates ont été définies comme déterminantes pour le calendrier de Westminster. Le 12 avril est la date au-delà de laquelle il ne sera plus possible pour le Parlement britannique de lancer l’organisation des élections européennes. Le 22 mai, veille des élections européennes, est la date fixée pour la sortie du Royaume- Uni dans le cas où l’accord de retrait serait finalement adopté d’ici là.
La semaine qui s’ouvre sera – cette fois, c’est vrai – décisive. Toutes les options sont encore sur la table. En théorie, Londres pourrait très bien révoquer l’article 50 organisant le retrait, et opter donc pour rester. En réalité, c’est l’option la moins probable. L’autre hypothèse serait l’adoption, lors d’un troisième passage à la Chambre des Communes, de l’accord de retrait. Tout serait plus simple puisqu’il prévoit une transition jusqu’en décembre 2020, prolongeable d’un ou deux ans.
Entre ces deux hypothèses, tout un éventail de motions et de situations peuvent se présenter. Le tout dans un climat politique de contestation dans la rue, de fronde interne au parti Conservateur et de préoccupations écossaises et irlandaises face à l’incapacité du gouvernement à trouver une issue.
La presse britannique évoquait ce week-end un climat de « complot » au sein de l’exécutif, le sentiment étant dominant chez les Conservateurs que Theresa May est désormais arrivée au terme de sa mission. Un complot que le Chancelier de l’Echiquier, Philip Hammond, a dû démentir (1) mais la fronde anti-May s’élargit de jour en jour. Plusieurs ministres soutiennent un changement de premier ministre. Le chef du service politique du Sunday Times a déclaré samedi que 11 membres du gouvernement britannique voulaient obtenir la démission de Theresa May. « Une fronde gouvernementale en bonne et due forme est en cours ce soir pour destituer Theresa May », disait ainsi Tim Shipman en ajoutant : « La fin est proche. Elle sera partie dans dix jours ».
La première ministre écossaise, Nicola Sturgeon, estime elle aussi qu’une partie du problème s’appelle Theresa May. Et pour le secrétaire d’État au Brexit, Steve Barclay, si le parlement prend le contrôle de l’agenda du retrait britannique dans les jours qui viennent, le pays pourrait s’acheminer vers de nouvelles élections législatives. « Au bout du compte, conclusion logique, le risque d’élections législatives augmente parce que, potentiellement, vous avez une situation où le parlement dit à l’exécutif de faire ce qui est contraire à ce pour quoi il a été élu », a déclaré le ministre à la BBC (2).
La manifestation gigantesque de samedi dans les rues de Londres, où un million de personnes se sont réunies pour réclamer un nouveau référendum (3), et la pétition en ligne défendant cette option, qui a recueilli plus de 4,5 millions de signatures, montrent combien le pays est profondément divisé, six ans après le discours de David Cameron qui ouvrit la porte à l’organisation d’un référendum, près de trois ans après la tenue du référendum de juin 2016, et deux ans après le déclenchement de l’article 50.
La semaine qui commence va être celle d’une reprise de contrôle de la part du parlement sur le processus. Va-t-il opter pour des élections anticipées ? Pour un nouveau référendum ? Pour l’accord de retrait ? Pour une autre sorte d’accord en mesure de faire obtenir au gouvernement de Theresa May un report plus long, au-delà du 22 mai ? Ou sera-t-il encore paralysé, précipitant le pays, et l’Union européenne, vers une sortie brutale, sans accord, le 12 avril ? Deux chercheurs de la London School of Economics dressaient cette semaine un bilan économique de deux ans de négociation sans clarté : baisse de la croissance du PIB, de la Livre Sterling et des investissements (4).
Perspectives :
- Le 12 avril est la date au-delà de laquelle il ne sera plus possible pour le Parlement britannique de lancer l’organisation des élections européennes.
- Le 22 mai, veille des élections européennes, est la date fixée pour la sortie du Royaume- Uni dans le cas où l’accord de retrait serait finalement adopté d’ici là.
Sources :
- Dan Sabbagh, « Hammond denies plotting to oust May as Brexit rebels head for Chequers », The Guardian, 24 mars 2019
- « Another fine mess made in Downing Street », The Sunday Times, 24 mars 2019
- https://www.ft.com/content/0b3b7b32-4d88-11e9-b401-8d9ef1626294
- « UK economy since the Brexit vote : slower GDP growth, lower productivity, and a weaker pound », LSE blogs
Vera Marchand