Mogadiscio. Amnesty International a publié un rapport sur la mission américaine AFRICOM en Somalie, notamment sur les frappes aériennes contre les positions d’al-Shabaab dans le Bas-Shabelle, près de la capitale Mogadiscio (2). Le manque de transparence dans la communication des victimes et des blessés pourrait indiquer une série d’omissions concernant l’implication de la population civile. Tout cela pourrait laisser présager des violations des droits civils dans la région. La mission US Africom nie en bloc les accusations, soulignant que la mission coopère avec les forces armées de la République fédérale de Somalie et la mission AMISOM (2).
L’ONG a analysé la dynamique de cinq opérations militaires américaines dans le sud de la Somalie entre avril 2017 et décembre 2018, une période au cours de laquelle les raids aériens américains se sont intensifiés (1). Le général américain à la tête de la mission, Waldhauser, a admis que des civils ont été tués par des frappes aériennes américaines (les raids sont passés de 34 en 2017 à 47 en 2018), mais il aurait apparemment omis des informations sensibles, telles que la nature et la capacité de tir de l’artillerie utilisée. Les avions les plus couramment utilisés pour le soutien logistique aux troupes au sol sont les AC-130, qui présentent un très fort potentiel d’incendie, et qui sont les premiers suspects de la mort de vastes communautés de civils dans certains villages somaliens.
La région de référence, le Bas-Shabelle, a subi 25 raids aériens au cours de la période considérée. Amnesty a accusé les forces américaines de diriger certaines attaques spécifiquement contre des villages où la présence des militants d’Al-Shabaab ne serait jamais confirmée, comme s’il s’agissait d’une attaque délibérée contre des civils. Une analyse approfondie des conséquences sur la population locale s’ajoute au ton délibérément provocateur de certaines parties du document. Dans le cadre des cinq attentats examinés, Amnesty souligne de graves violations du droit international humanitaire, compte tenu de la puissance de feu excessive et des morts suspectes, qui font d’AFRICOM un acteur pleinement belligérant en Somalie (1).
Le commandement central d’US AFRICOM s’est contenté de répondre aux accusations selon lesquelles la Somalie est l’un des théâtres d’opération les plus importants, en raison de la présence d’Al-Shabaab sur le territoire, mais aussi pour le renforcement du pouvoir central de Mogadiscio dans une région géopolitiquement cruciale. US Africom déclare respecter les lois du droit international en ce qui concerne les règles d’engagement et la volonté des forces armées somaliennes, de même que la mission AMISOM (2). Les raids aériens dans le Bas-Shabelle font partie intégrante d’une stratégie intégrant une dynamique militaire et politique. Selon le rapport d’Amnesty, les 13 civils décédés n’auraient été confirmés par aucune source interne au commandement opérationnel. US AFRICOM affirme avoir éliminé environ 800 militants d’Al-Shabaab au cours des deux dernières années, en essayant de minimiser les dommages collatéraux, y compris la mort de civils, et réfute les allégations selon lesquelles elle aurait délibérément opéré dans des zones où les frappes aériennes étaient disproportionnées par rapport au besoin stratégique réel (2).
Perspectives :
- Ce rapport a été rendu public à un moment crucial pour la mission AMISOM, à laquelle US AFRICOM offre un soutien logistique et aérien. Certaines troupes de la mission de l’Union africaine se sont retirées des avant-postes et ont été remplacées par les forces armées somaliennes (notamment les troupes burundaises, qui opèrent davantage dans la région de Mogadiscio). Outre les questions politiques, telles que l’avenir de la représentation à l’ONU et la relation entre le multilatéralisme militaire et le pouvoir central à Mogadiscio, s’ajoute un problème de sécurité, compte tenu des faiblesses substantielles de l’armée somalienne.
Sources :
- The hidden US war in Somalia- Civilian causualities from air strikes in lower Shabelle, Amnesty International, mars 2019.
- U.S Africa Commando Statement on Amnesty International Report, US AFRICOM, 19 mars 2019.