Stockholm. Le lundi 11 mars, la naissance d’un enfant d’une mère suédoise en plein champ de bataille à Baghouz a ravivé la question lancinante des Suédois présents dans les rangs de l’organisation terroriste Daesh. Les services de sécurité suédois de la Säpo estiment que près de 300 Suédois se sont rendus dans la zone irako-syrienne entre 2012 et 2017. Près de la moitié d’entre eux sont rentrés depuis et on estime qu’une cinquantaine ont été tués lors des combats. Les autorités comptabilisent aujourd’hui une centaine de djihadistes suédois au coeur des combats1. À la fin du mois de février, le président américain Donald Trump a invité les pays européens à rapatrier leurs ressortissants capturés en Syrie et en Irak. Une requête à laquelle le premier ministre suédois s’est fermement opposé, du moins en ce qui concerne les adultes. Stefan Löfven a ainsi déclaré à la presse que le cas des enfants suédois emmenés par leurs parents ou nés sur place n’était toujours pas tranché2. Aux dernières nouvelles, le gouvernement ne prévoyait pas de rapatrier les femmes ou les enfants.

Le gouvernement suédois souhaite mettre en oeuvre une réponse européenne à ce problème des nationaux partis combattre en Syrie et en Irak dans les rangs de Daesh. Au cours d’une réunion interministérielle des ministres de la justice de l’UE, le ministre suédois de la Justice Morgan Johansson a émis le souhait de créer un tribunal international pour les djihadistes. Cette requête fait suite à l’implication constante de la Suède auprès de l’ONU depuis 2015 pour cartographier et recenser les preuves relatives à des violations du droit international au Levant.

Cette initiative a été bien reçue dans plusieurs pays européens, et surtout nordiques. Les gouvernements danois, norvégiens et finlandais ont déclaré vouloir s’associer à la proposition suédoise. Des discussions doivent notamment avoir lieu avec d’autres pays qui se sont dits intéressés par la proposition, comme le Royaume-Uni, la France et les Pays-Bas. Si la forme de cette juridiction et le lieu où elle devrait siéger n’ont toujours pas été précisés, M. Johansson a déclaré qu’elle devrait prendre pour modèle les tribunaux internationaux créés à l’issue des conflits yougoslaves et du génocide au Rwanda3.

Le gouvernement social-démocrate a fait l’objet de critiques acerbes au sujet de sa gestion du retour des individus partis dans la zone. Comme ce fut le cas en France, le parti d’opposition de droite des Modérés a proposé de retirer la nationalité des citoyens suédois engagés auprès de Daesh4. Du côté des Démocrates de Suède (extrême-droite), la question du retour des djihadistes est exploitée pour critiquer l’attitude considérée comme angélique du gouvernement. Ils en appellent notamment à l’attentat du 7 avril 2017 à Stockholm et accusent le gouvernement de préférer les auteurs des attentats aux victimes. Mais la question divise la société suédoise au-delà du monde politique. Dans la presse, des avocats en droit international se prononcent pour la révocation de la citoyenneté pour les citoyens suédois naturalisées, sans pour autant l’étendre aux enfants5.

Thomas Gauchet