Berlin. La nouvelle présidente de la CDU a publié ce samedi 9 mars une tribune traduite en plusieurs langues sous ce titre professoral « Faisons l’Europe comme il faut » qui sonne comme la réponse du berger à la bergère à la lettre d’Emmanuel Macron. Derrière une approbation nominale des ambitions de relance françaises, c’est en fait une critique en règle des propositions du président français, qui n’avait pourtant pas ménagé ses efforts pour ramasser les ambitions fédéralistes du discours de la Sorbonne sur quelques propositions de relance plus restreintes et bien plus intergouvernementales que le grand dessein initial.
Rappelant une à une toutes les lignes rouges économiques de la droite allemande, le texte d’Annegret Kramp-Karrenbauer repousse clairement tout « centralisme européen » et mutualisation des dettes, rejette l’idée macronienne d’un minimum social européen, et critique au détour d’une phrase l’obsession française pour la réforme des règles de concurrence. La remise à plat de Schengen souhaitée par le président français tout comme la prise de distance d’Emmanuel Macron vis à vis de l’OTAN sont réduits, sous la plume de la présidente de la CDU, à la possibilité d’une légère modification du statu-quo.
Renchérissant au contraire sur les ambitions géopolitiques françaises, le texte allemand se fait irréaliste en proposant une mutualisation du siège français au Conseil de Sécurité au niveau européen ainsi que la conception d’un Porte Avions européen.
Cette tribune, qui sous des dehors laudatifs ramène au statu-quo et au cadre institutionnel existant toutes les audaces d’Emmanuel Macron, et qui se refuse clairement à tout fédéralisme supplémentaire, sonne comme la triste continuation de ce qu’aura été le débat européen franco-allemand depuis deux décennies : une suite de discours pro-européens en apparence, mais où les ambitions de l’un se heurtent toujours aux limites de ce que l’autre est prêt à accepter politiquement, et où les grandes déclarations sur des sujets sans risques (le porte avions européen) camouflent une incompréhension réciproque qui ne se résorbe pas.