Bruxelles. À l’approche des élections européennes, les propositions pour une Europe sociale se multiplient. Parmi elles figure le salaire minimum européen. L’idée est notamment défendue par des candidats aux européennes issus du PCF et du PS (2). Macron a à son tour formulé cette proposition dans sa lettre aux « citoyens d’Europe » (4). Ailleurs en Europe, l’idée trouve des défenseurs, parmi lesquels le ministre du travail allemand Heil (3).
Si l’idée d’un salaire minimum européen est séduisante, sa mise en œuvre sur le plan juridique n’est pas évidente. En effet, l’article 153 du TFUE exclut dans son paragraphe 5 la possibilité pour l’Union Européenne (UE) d’agir en matière de rémunérations.
Pour qu’un salaire minimum européen soit mis en place, il faut donc revoir le TFUE. La procédure de révision des traités est réglée par l’article 48 TUE.
Selon le paragraphe 6 de cet article, lorsque la révision porte sur la troisième partie du TFUE – comprenant l’article 153 -, une procédure simplifiée est possible. Cependant, le troisième alinéa du paragraphe 6 exclut le recours à la procédure simplifiée si la révision tend à accroître les compétences de l’UE. En l’occurrence, la révision de l’article 153 TFUE attribuerait une compétence à l’UE en matière de rémunérations. Il faudrait donc recourir à la procédure ordinaire prévue par les paragraphes 2 à 5.
Dans le cadre d’une procédure ordinaire, le gouvernement de tout État membre, le Parlement européen ou la Commission peut soumettre au Conseil de l’Europe des projets tendant à la révision des traités. Si le Conseil européen, après consultation du Parlement européen et de la Commission, adopte à la majorité simple une décision favorable à l’examen des modifications proposées, son président convoque une Convention composée de représentants des parlements nationaux, des chefs d’État ou de gouvernement des États membres, du Parlement européen et de la Commission. La Convention examine alors les projets de révision et adopte par consensus une recommandation à une Conférence des représentants des gouvernements des États membres telle que prévue au paragraphe 4. Après approbation du Parlement européen, le Conseil européen peut décider de ne pas convoquer de Convention, auquel cas il établit le mandat pour une Conférence des représentants des gouvernements des États membres. Cette conférence intergouvernementale est convoquée par le président du Conseil en vue d’arrêter d’un commun accord les modifications à apporter aux traités.
Les modifications entrent en vigueur après avoir été ratifiées par tous les États membres conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Si à l’issue d’un délai de deux ans à compter de la signature d’un traité modifiant les traités, les quatre cinquièmes des États membres ont ratifié ledit traité et qu’un ou plusieurs États membres ont rencontré des difficultés pour procéder à ladite ratification, le Conseil européen se saisit de la question.
Tout gouvernement d’un État membre ou le Parlement européen a la possibilité d’initier la procédure de révision. Les représentants des gouvernements sont impliqués à chaque étape de la procédure par le truchement du Conseil européen et de la Convention. Les parlementaires européens sont eux aussi impliqués, notamment de par leur appartenance à la Convention.
En attendant que le TFUE soit modifié et que l’UE ait compétence pour harmoniser les salaires, sur proposition de la Commission, le Conseil – composé de ministres de chacun des pays de l’UE – peut conformément aux articles 121 et 148 TFUE élaborer des lignes directrices sur l’emploi et définir des grandes orientations en mettant l’accent sur le niveau de rémunération. Ces recommandations n’ont pas valeur contraignante, mais elles montreraient que les États membres ont une réelle volonté de mettre en place un salaire minimum. En outre, les pays de l’UE peuvent s’inspirer de la communication COM/2012/0173 (1) de la Commission européenne pour améliorer leur politique de rémunération à l’échelle nationale.
Perspectives :
- Reste à savoir si les gouvernements et les candidats aux européennes auront la volonté politique d’initier la procédure de révision du TFUE.
- En attendant la modification du TFUE, les États membres peuvent augmenter de façon significative leur salaire minimum, utiliser la possibilité d’élaborer des lignes directrices et de définir des grandes orientations – par le truchement du Conseil – pour montrer que la volonté de mettre en place un salaire minimum européen est réelle.
Sources :
- Commission européenne, COM/2012/0173, EUR-Lex, 18 avril 2012.
- GOUEROU Christian, Le PS breton veut une Europe solidaire, Ouest France, 12 février 2019 ; KEROUANTON Sébastien, Ghislaine Noirault, la voix communiste des européennes dans la Vienne, La nouvelle république, 19 février 2019.
- Arbeitsminister Heil fordert europäischen Mindestlohn, Handelsblatt & DPA, 12 janvier 2019.
- MACRON Emmanuel, Pour une Renaissance européenne, Elysée, 4 mars 2019.
Ingrid Kis