En bref – Selon le dernier Gas Market Outlook du groupe Shell paru la semaine dernière, la demande de gaz naturel liquéfié devrait augmenter de 10 % en 2019 grâce à la construction de terminaux de regazéification en Europe et en Asie.

La Haye. Dans la course à la transition énergétique, le gaz occupe une position stratégique. Longtemps limité à un développement régional et terrestre par gazoduc, le gaz connaît une croissance importante sous sa forme liquéfiée (GNL), qui lui permet d’être transporté par cargo à l’échelle mondiale et de l’affranchir en partie des contrats de long-terme pour des transactions « spot ». En 2018, en effet, les transactions spot ont représenté près de 1 400 cargos de gaz, soit 30 % du volume total d’échange, contre 25 % en 2017. Les prévisions les plus récentes de la major pétrogazière Shell misent sur une croissance de plus de 10 % en 2019, soutenue par la croissance de la demande en Asie et en Europe (3).

Le groupe Shell est lui-même très présent sur le marché gazier et parie sur une croissance rapide et durable de la demande, à la fois en raison des moindres émissions de CO2 du gaz et d’une croissance globale de la demande en énergie, que les énergies renouvelables intermittentes ne suffiraient pas à combler. À titre d’exemple, la politique volontariste de la Chine pour la réduction des émissions de CO2 et la réduction de la pollution de l’air se manifeste par la fermeture progressive des centrales à charbon au profit de centrales à gaz, qui offrent un meilleur rendement et un taux d’émission de gaz carbonique inférieur de moitié (1). Le Japon est aujourd’hui le premier importateur mondial de GNL, tant du fait de ses caractéristiques géographiques que de la transformation importante de son mix énergétique ces dernières années avec le renoncement partiel au nucléaire comme source de production d’électricité.

Le GNL est surtout une opportunité stratégique pour la sécurité et la souveraineté énergétiques européennes, en ce qu’il permet aux États importateurs d’acheter leur gaz sur un marché concurrentiel et de diversifier leurs sources d’approvisionnement. La plupart des terminaux de regazéification en Europe sont situés sur les côtes nord-ouest (Belgique, France, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Royaume-Uni) et sud-ouest (Espagne, Portugal, Malte, Italie). Selon la Commission Européenne, en 2017, 13 États membres ont importé 55 milliards de mètres cube, soit 12 % de plus qu’en 2016. Le GNL représenterait près de 15 % des importations de gaz de l’UE, la plupart du gaz provenant encore des gazoducs. Cette tendance devrait s’accroître avec la mise en service du Nord Stream 2 en 2020, qui contribuera encore davantage à l’approvisionnement en gaz russe de l’Allemagne et l’Europe de l’ouest en gaz russe. La Russie exporte aussi son gaz par cargo, comme c’est le cas depuis l’usine de liquéfaction à Yamal, en Sibérie, sur l’un des plus importants sites de production de gaz du pays ; 19 cargos ont ainsi acheminé du gaz en Europe au mois de février 2019 (2).

Perspectives :

  • Le gaz trouve un relais de croissance dans de nouveaux usages : le premier navire brise-glace à utiliser du GNL comme carburant, le finlandais Polaris, a été inauguré en février.
  • Les États-Unis souhaitent demeurer un fournisseur de gaz majeur pour l’Union européenne. Les investissements dans les infrastructures de GNL se multiplient, en collaboration avec des entreprises étrangères, comme Qatar Petroleum
  • Certains analystes redoutent un décalage de l’équilibre offre-demande, une situation de sur-offre en 2020 suivie par une tension dans l’approvisionnement mondial en gaz en raison d’un taux insuffisant de construction de nouveaux terminaux de regazéification

Sources :

  1. BOUSSO Ron, ZADAWZI Sabrina, UPDATE 1-Fight against pollution to lift LNG demand -Shell, CNBC, 25 février 2019.
  2. KRAVTSOVA Ekaterina, RPT-Russia ships record high LNG volumes to Europe in February, Reuters, 28 février 2019.
  3. Global LNG trade to rise 11 percent this year : Shell, Reuters, 25 février 2019.

Clémence Pélegrin