Budapest. Viktor Orbán et le Parti populaire européen (PPE) ont besoin l’un de l’autre. La formation européenne, qui rassemble les partis politiques de la droite et de la démocratie chrétienne au niveau européen, contrôle les trois institutions centrales de l’Union Européenne (Commission, Conseil et Parlement). Le parti hongrois du premier ministre au pouvoir occupe quant à lui la majorité des sièges du pays (12 sur 21). Alors que les premiers sondages sur les élections de mai annoncent un recul général du PPE, le Fidesz d’Orbán pourrait constituer un pôle de stabilité (6).

Mais le premier ministre est confronté depuis décembre 2018 à un mouvement social important, qui s’oppose à un projet de réforme drastique des retraites et de l’assurance chômage. Pour réaffirmer sa position à la veille des élections, il a relancé la violente campagne contre George Soros. Le gouvernement de Budapest associe Jean-Claude Juncker au milliardaire américain d’origine hongroise : la légende d’une affiche diffusée sur les réseaux sociaux proclame : « Vous méritez de savoir ce que Bruxelles veut ! Les propositions qui menacent la sécurité de la Hongrie ». Cette campagne financée par le contribuable a scandalisé les partenaires de Viktor Orbán au sein du PPE.

Le statut du PPE prévoit que sept partis puissent saisir la direction pour exiger l’exclusion d’un des membres. Les dirigeants des « Modérés » suédois ont été parmi les premiers à demander l’enclenchement de cette procédure (2). Les deux partis chrétiens démocrates de Belgique, flamands et wallons, ont emboîté le pas, tout comme les chrétiens démocrates portugais (3). L’exaspération semble profonde au sein de la droite européenne de gouvernement. Même Sebastian Kurz a critiqué tout haut les provocations d’Orbán (4).

C’est cependant vers Annegret Kramp Karrenbauer, présidente fraîchement élue de la CDU, que se sont tournés tous les regards. Elle a critiqué durement la rhétorique haineuse du Fidesz, sans cependant appeler à son exclusion. Elle a par la suite rencontré à Berlin deux proches du premier ministre Hongrois, dont le vice-président du Fidesz Gergely Gulyas, pour leur signifier la désapprobation de l’Allemagne.

Le vrai tournant est plutôt à chercher du côté de Manfred Weber. Le candidat à la Commission et chef du groupe PPE au parlement européen considère qu’une procédure d’exclusion du Fidesz est maintenant une option sur la table. Jusqu’ici, les conservateurs bavarois avaient protégé avec obstination leurs alliés hongrois au sein du parti.

Perspectives :

  • Le dernier rempart est paradoxalement constitué par les Républicains français. Alors que la droite allemande laisse progressivement entendre à M. Orbán qu’elle ne le soutiendra pas coute que coute, Laurent Wauquiez se fait silencieux. Quant à Joseph Daul, président français du PPE qui à lui seul pourrait ordonner l’exclusion selon les statuts, il préfère garder pour l’instant le Fidesz dans le giron du parti. C’est lui qui, en mai 2018, avait placé des « lignes rouges » à ne pas franchir. Bien que ces dernières aient été manifestement transgressées, seul François-Xavier Bellamy a pris position clairement parmi les conservateurs français et affirme « plutôt Juncker qu’Orbán » (5).

Sources :

  1. BRÖSSLER Daniel et ROßMANN Robert, CSU geht auf Distanz zu Viktor Orbán, Süddeutsche Zeitung, 21 février 2019.
  2. DE LA BAUME Maïa, Swedes push for Orbán’s Fidesz party to be kicked out of EPP, Politico EU, 22 février 2019.
  3. Ungarische Fidesz : Konservative Parteichefs fordern EVP-Ausschluss von Orbáns Partei, Der Spiegel, 28 février 2019.
  4. LEPELTIER-KUTASI Ludovic, Sebastian Kurz : « la campagne d’Orbán contre Juncker est inacceptable », Courrier d’Europe Centrale, 22 février 2019.
  5. STOLL Guillaume, Bellamy « plutôt Macron que Le Pen » : le candidat LR s’explique, L’Obs, 27 féverier 2019.
  6. ZSIROS Sandor, What do Orban and the EPP offer each other ? | Euronews answers, Euronews, 1 mars 2019.

Pierre Mennerat