Hanoï. De cette rencontre, aucun accord n’a émergé. Le précédent sommet à Singapour, en juin dernier, avait été critiqué pour son absence de résultats concrets – un accord en 4 points sans aucun objectif inscrit dans le temps ni chiffré (1). Mais il avait eu le mérite d’ouvrir un dialogue direct, au plus haut niveau et constituait un symbole fort. Depuis son arrivée au pouvoir suite au décès de son père Kim Jong-il en 2011, Kim Jong-un a formulé des demandes constantes et claires : conclure un pacte de non-agression, être reconnu et traité en égal, ouvrir des relations diplomatiques et des ambassades entre Washington et Pyongyang (2). Le sommet de Singapour, puis celui de Hanoï représentent déjà des victoires tangibles pour le leader.

Les attentes étaient plus importantes pour ce second sommet, mais dans un contexte bien moins emprunt de tensions. En effet, aucun tir de missile ni essai nucléaire n’avaient été effectués par la Corée du Nord depuis un an. Le régime de Kim Jong-un avait mis de côté la provocation, sans pour autant renoncer à poursuivre son développement balistique et nucléaire. Les deux leaders avaient renouvelé leurs intentions de renforcer le dialogue, notamment lors du discours du nouvel an de Kim Jong-un.

Donald Trump a déclaré lors de la conférence de presse à l’issue du sommet de Hanoï qu’aucun accord n’avait été trouvé, un point de blocage majeur s’étant dressé autour des sanctions bilatérales et internationales. « La Corée du Nord était prête à procéder à une dénucléarisation, mais nous ne pouvions pas renoncer à toutes les sanctions », a expliqué le président américain (3). Pour rappel, suite à sa condamnation par le Conseil de sécurité de l’ONU en 2009 pour tir de missile, la Corée du Nord avait stoppé toute inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique.

Le grand enjeu de ces discussions demeure donc, encore aujourd’hui, d’obtenir des mesures effectives. « Que ce soit en matière de dénucléarisation ou même de transparence, il n’y a pour l’instant rien eu de concret », constate Valérie Niquet, responsable du pôle Asie à la Fondation pour la Recherche Stratégique (4). La définition précise de la dénucléarisation, les capacités nucléaires réelles de la Corée du Nord, le processus d’inspection potentiel pour que cette dénucléarisation soit vérifiable – quels acteurs impliqués ? – restent à spécifier. Le dialogue lui-même nécessiterait une formalisation plus avancée, avec l’ouverture de bureaux de liaisons entre Pyongyang et Washington – comme cela a été fait en septembre dernier entre Séoul et Pyongyang – qui permettraient de véritablement institutionnaliser le processus de négociation (5). Il faut donc désormais entrer dans le pragmatisme.

Pour des raisons d’échéance électorale, Donald Trump souhaite des résultats d’ici 2020. Une victoire qui serait personnelle, mais qui pourrait également imposer de nouveau une position américaine en Asie, notamment face à la Chine. Mais le président américain ne pourra pas forcer une accélération des discussions, et devra faire preuve de mesure afin de conserver ce lien établi avec Pyongyang.

Perspectives :

  • Qui des États-Unis ou de la Corée du Nord fera un geste en premier – sur les sanctions, sur la dénucléarisation – afin que l’autre concède une contrepartie ? La question se pose. Selon Donald Trump, Kim Jong-un aurait demandé une levée totale des sanctions en échange d’une dénucléarisation partielle. Les deux parties souhaitent le maintien du dialogue sans céder sur leurs positions.
  • Pour l’heure, aucune date de rencontre future ou d’intention d’institutionnalisation plus avant du processus de négociation n’ont été établies.

Sources :

  1. Maison Blanche, Joint statement of President Donald Trump of the United States of America and Chairman Kim Jong Un of the Democratic People’s Republic of Korea at the Singapore Summit, 12 juin 2018.
  2. MALOVIC Dorian, Sommet Trump-Kim : les acteurs du dialogue nord-coréen, La Croix, 11 juin 2018.
  3. MSNBC, President Trump’s full press conference in Hanoi, 28 février 2019.
  4. Second sommet Trump-Kim : peut-on attendre de réelles avancées ?, RFI, 26 février 2019.
  5. VAULERIN Arnaud et AUTRAN Frédéric, Sommet Kim-Trump : armes en discussions massives, Libération, 26 février 2019.

Jessy Périé