Charlotte, Caroline du Nord. 45 % des 750 000 automobiles produites par BMW, Volkswagen et Daimler-Benz en 2018 ont été vendues aux USA. Mais parmi ces dernières, la majorité est fabriquée dans le pays. Les trois grands groupes automobiles allemands possèdent plusieurs usines aux États-Unis, qui produisent à la fois pour le marché intérieur et international (2). Les trois géants de l’automobile allemande assurent environ 35 000 emplois directs aux États-Unis, et l’association de l’industrie automobile allemande VDA estime que la production de véhicules fournit du travail à 110 000 personnes. L’activité des multinationales contribue au PIB et aux exportations américaines, mais dans l’ensemble, elle creuse le déficit commercial des Etats-Unis vis-à-vis de l’Europe, ce qui exaspère le gouvernement américain. Cependant, selon le think-tank Center for Automotive Research, 52 % des automobiles vendues aux États-Unis en 2017 étaient fabriquées sur le territoire national, et seuls 3 % des véhicules vendus seraient importés d’Allemagne, loin derrière le Mexique (14 %), le Canada (11 %) ou le Japon (10 %).

À l’exception de l’Etat du Michigan, où Daimler Benz possède une usine à Detroit, dans le coeur historique de l’industrie automobile américaine, la plupart des lieux de production se trouvent dans le Sud-Est des États-Unis. Tous les États où les usines allemandes sont implantés, la Caroline du Nord, la Caroline du Sud, la Géorgie, le Tennessee, l’Alabama et le Michigan ont voté pour Donald Trump en 2016. Les entreprises allemandes sont donc totalement intégrées dans le tissu industriel américain, et ont maintenu nombre d’emplois solides pendant les années de crise.

Cependant plusieurs modèles de ces groupes sont entièrement importés, comme les voitures des marques Audi et Porsche pour Volkswagen ou Mini pour BMW. Selon l’association des constructeurs allemands VDA, les usines américaines sont profondément intégrées dans la mondialisation. En 2017, 53 % des véhicules fabriqués dans les usines allemandes en Amérique étaient eux-mêmes destinés à l’exportation (3).

Donald Trump a annoncé la mise en place d’une taxe de 25 % sur les importations, et le Département du Commerce américain envisage sérieusement de qualifier les automobiles allemandes de “menace pour la sécurité nationale”. Lors de la récente conférence de Munich sur la sécurité (Wehrkunde), Angela Merkel a consacré une partie de son allocution à contredire la vision américaine : “Le Département américain du Commerce prétend que les voitures européennes constituent une menace pour la sécurité nationale des États-Unis d’Amérique. Voyez donc : nous sommes fiers de nos voitures, et nous avons le droit de l’être. Ces voitures sont également assemblées aux États-Unis. La plus grande usine BMW se trouve en Caroline du Sud, pas en Bavière, en Caroline du Sud. La Caroline du Sud exporte à son tour en Chine. Quand ces voitures, qui ne sont pas moins menaçantes lorsqu’elles sont assemblées en Caroline du Sud que lorsqu’elles le sont en Bavière, sont soudain érigées en menace à la sécurité nationale des États-Unis d’Amérique, alors nous nous inquiétons. » Lors de ce passage du discours, lvanka Trump, la fille du président américain, a ostensiblement manifesté son agacement en retirant son casque audio, un micro-incident parmi d’autres qui ont émaillé la conférence.

L’introduction de tarifs douaniers punitifs affecterait aussi l’équilibre des usines américaines, qui importent un grand nombre de pièces de l’étranger. Le cas de l’usine de Spartanburg, fleuron de BMW, est emblématique de l’imbrication des circuits. La bonne conjoncture actuelle aux États-Unis a en effet poussé l’entreprise bavaroise à augmenter la production et les effectifs sur place.

Perspectives :

  • Le marché américain reste très attirant, malgré la violence de la rhétorique de la Maison Blanche : la population croît constamment (rien qu’en 2018, il y a eu 2,5 millions d’habitants en plus sur une population totale de 330 millions). En outre l’administration Trump a considérablement abaissé la taxe fédérale sur les sociétés, qui est passée pour l’exercice budgétaire 2018 de 35 à 21 %. Ces conditions ont aussi bénéficié aux constructeurs automobiles allemands. Ainsi, le renoncement des entreprises allemandes au marché américain n’est pas pour demain (1).

Sources :

  1. FASSE, Markus, HOPPE, Till, et al. VW, BMW, Daimler : Die Irrfahrt der deutschen Autoindustrie, Handelsblatt, 22 février 2019.
  2. Autos bleiben Deutschlands wichtigstes Exportgut – nicht zuletzt wegen den USA, Handelsblatt, 20 février 2019.
  3. POSANER, Joshua The ties that bind German carmakers to America, Politico Europe, 06 novembre 2018.

Pierre Mennerat