Abuja. Après un report controversé, les élections au Nigeria ont finalement eu lieu samedi 23 février. Alors que les prévisions voyaient un résultat très serré, ce fut une victoire assez confortable pour le président sortant. Fort de son soutien dans le nord et ayant gagné dans plusieurs États clés dans le centre et sud-ouest, Buhari a même pu améliorer ses résultats par rapport à l’élection de 2015 (56 % contre 54 % en 2015).
Les élections ont été entachées par des incidents de violence ayant fait au moins 39 victimes (2) et des accusations de trucage et manipulation électorale. Le candidat de l’opposition a annoncé son intention de contester les résultats. Cette contestation aura lieu dans le contexte du remplacement du juge en chef Walter Onnoghen, accusé de non-déclaration des biens, trois semaines avant l’élection. La décision du président de remplacer Onnoghen, qui joue un rôle important dans un cas de contestation du résultat, a été vivement critiquée par l’opposition.
Au Nigéria il y a une théorie selon laquelle tous les 20 ans le pays vit une transformation majeure. Indépendance en 1959, retour à la démocratie après des gouvernements militaires en 1979, le nouveau retour de la démocratie en 1999… Certains attendaient donc beaucoup de cette élection. Leurs attentes n’ont pas étaient réalisées samedi dernier. Avec le retour de Buhari au pouvoir la continuation, plutôt que la révolution, est à l’ordre du jour. Cependant, cette élection pourrait être le début d’un changement profond dans la politique nigériane. En dépit d’un taux de participation le plus faible en deux décennies (36 %), certains résultats pourraient sous-entendre des grands changements dans l’avenir.
Le premier, est la défaite de Bukola Saraki, président du Sénat et candidat aux primaires du PDP. Le PDP comptait sur lui de faire gagner le parti dans son propre état (Kwara), il a échoué d’assurer la victoire du PDP ainsi que sa propre réélection. La faible marge de victoire d’Atiku dans son état d’Adamawa pourrait également refléter cette déception envers la classe politique. Un autre facteur est la simple démographie. Les deux candidats principaux, tous deux septuagénaires, ne reflètent pas l’électorat. La population du Nigéria est majoritairement jeune (la plupart de l’électorat a entre 18 et 35 ans) (1), et le parti des jeunes progressistes a mené une campagne en vue. La loi ‘not too young to run’ (pas trop jeune pour se porter candidat) a baissé l’âge minimum des candidatures, permettant à plus de jeunes à se présenter. Avec la part grandissante des jeunes dans l’électorat, ils seront impossibles à ignorer dans quatre ans.
Perspectives :
- Bien que les élections soient terminées, la décision d’Atiku de contester le résultat pourrait mener à des incidents de violence. L’annulation du résultat est peu probable. Les observateurs, qui ont dénoncé des incidents de violence et manipulation, ont généralement accepté que la manipulation électorale n’était pas suffisante pour changer le résultat.
- Le 2 mars 2019, les Nigérians élisent leurs gouverneurs. Les gouverneurs sont très influents et pourrait renforcer ou contrebalancer le président. La contestation du résultat reste à suivre.
- Président Buhari aura donc, en toute probabilité, une deuxième chance de poursuivre ses politiques. Une intensification de la lutte contre la corruption est probable, même si le président est critiqué pour avoir ciblé ses adversaires politiques à travers cette lutte. L’économie restera un enjeu clé et la capacité du président à créer des emplois sera déterminante pour sa popularité. Sur le plan sécuritaire, les violences entre éleveurs et fermiers s’empirent et s’étendent au-delà du centre du pays. Boko Haram n’a toujours pas été vaincu non plus. Buhari, au début de son second mandat, doit faire face aux mêmes défis qu’en 2015, mais aura-t-il plus de succès cette fois ci ?
Sources :
- AKWAGYIRAM Alexis, Nigeria’s Election : Young Voters, Old Candidates. Reuters, 13 Février 2019.
- FASAN Olu, Election Violence Worsens Nigeria’s Tainted Democracy. Vanguard News, 27 Février 2019.
Mikolaj Judson