Accra. Le deuxième sommet entre Donald Trump, président des États-Unis, et Kim Jong-Un, secrétaire général du Parti du travail de Corée, qui a eu lieu le 27 février à Hanoi, pourrait être considéré comme un moyen de réfléchir sur le rôle de Pyongyang dans certaines régions apparemment éloignées. Parmi celles-ci, l’Afrique, qui, pour le soft power, les armes et les liens idéologiques, a représenté pendant des décennies une terre cruciale pour obtenir une reconnaissance internationale (2).

Dans le contexte de la guerre froide, le Mouvement des pays non alignés a été le principal vecteur de reconnaissance diplomatique de Pyongyang. Le premier pays africain à avoir établi des relations officielles avec la Corée du Nord a été l’Algérie en 1958, suivie par l’Égypte, le Ghana et la Guinée au début des années 1960 (3). Les pays africains ont soutenu la nomination de la Corée du Nord en tant que membre observateur de l’Onu en 1964. C’était le premier exemple de relations diplomatiques durables et solides entre de nombreux États du continent et la Corée du Nord (3). Avec une forte poussée idéologique et émotionnelle, en particulier dans la rhétorique anti-américaine, la légitimité internationale de Pyongyang a été fondée sur le commerce et sur des projets de développement et de coopération militaire (3). Dans les années 80 et 90, la diplomatie nord-coréenne s’est concentrée sur ce dossier, devenant un élément central du réarmement des troupes de nombreux pays du continent.

Deux entités géographiques principales peuvent être distinguées en particulier : l’Afrique de l’Ouest et les Grands Lacs. Grâce aux excellentes relations personnelles entre Kwame Nkrumah et Kim Il-Sung, le Ghana est un petit pilier de Pyongyang, qui a réussi à maintenir des relations solides avec Accra même après la fin de la guerre froide. Actuellement, la Corée du Nord est l’un des premiers financeurs de l’armée ghanéenne, à tel point que le Ghana, l’année dernière, a proposé de faire partie d’un groupe de médiateurs entre les deux Corée (4).

La politique à l’égard des Grands Lacs a quant à elle commencé dans les années 70 avec le Zaïre et l’Ouganda, où la Corée du Nord était appréciée pour l’organisation de la propagande, notamment pour la fabrication de sculptures et de statues (2). Ce soft power s’est affaibli dans les années 90 : il s’est transformé en soutien militaire avec l’envoi d’armes et de missions de formation dans le cadre de la seconde guerre du Congo (1998-2003). Pendant la guerre civile burundaise (1993-2005) également, l’artillerie légère de Pyongyang a été largement utilisée, malgré le régime de l’embargo (1). La Corée du Nord est également à l’avant-garde de l’envoi d’armes à la marine angolaise, tandis que les relations avec Madagascar et le Mozambique, autrefois solides, semblent s’être considérablement dégradées. Dans l’actualité internationale, de nombreuses délégations africaines auprès de l’Onu (en particulier le Ghana et l’Ouganda) ont protesté contre la possibilité d’un isolement accru de Pyongyang. L’Afrique peut-elle devenir le moteur d’un relâchement des tensions entre les États-Unis et la Corée du Nord ?

Perspectives :

  • Il est difficile de définir l’importance de l’investissement de Pyongyang sur le continent. La Corée du Nord est certainement le pays de la région qui consomme le moins de ressources, surtout si on la compare à la Corée du Sud. Il est intéressant de voir comment les relations de pouvoir entre la Chine, le Japon, Taiwan, la Corée du Nord et la Corée du Sud sont également basées sur leur propre projection géopolitique vers l’Afrique, avec des visites d’ État périodiques et des contrats privés. Une question qui va certainement voir son caractère stratégique grandir.

Sources :

  1. CHARBONNEAU Louis, Defective Burundi weapons came from N. Korea-envoys, Reuters London, 1er février 2011.
  2. GOFF Samuel, The Pyongyang connection : North Korea’s strange an surprisingly effective charm offensive in Africa, The Calvert Journal, février 2015.
  3. INSUNG Kim, OH Jj, WERTZ Daniel, DPRK Diplomatic Relations, The National Committe on North Korea, août 2016.
  4. Ghana supports diplomatic steps to solve issues on North and South Korea, Modern Ghana, 24 avril 2018.

Alessandro Rosa