Douchanbé, Urumqi, Ashgabat, Bishkek et Tashkent. Les autorités tadjikes affirment avoir fermé 56 mosquées “illégales” en 2018 et les avoir transformées en bâtiments sociaux-culturels (crèches, salons de thé, etc.). À la fin de l’année précédente, c’est près de 2000 mosquées que le gouvernement se félicitait d’avoir fermé (4). Ces fermetures ne sont pas les seules mesures drastiques prises pour tenter d’empêcher la radicalisation de la population tadjike : le port du voile et de la barbe islamique a été interdit, ainsi que le parti islamique, déclaré organisation terroriste par le gouvernement en 2015 malgré l’absence de preuves tangibles. Ses membres sont aujourd’hui en prison ou en exil. Reconnu comme modéré, le Parti de la Renaissance islamique du Tadjikistan était également le seul parti d’opposition du pays (2).

Cette tendance vaut pour toute la région. Les accusations de violence du régime chinois envers les musulmans ouïghours du Xinjiang ont fait le tour du monde, tandis que le régime turkmène est soupçonné de torturer des prisonniers musulmans (1). Récemment, Human Rights Watch dénonçait une interprétation dangereusement excessive de la notion “d’extrémisme” au Kirghizstan, à la suite de la condamnation de centaines de personnes à de lourdes peines de prison pour possession de biens jugés illégaux (pamphlets, livres,…) (3). La pratique sert par la même occasion à arrêter des opposants politiques.

À divers degrés, tous les chefs d’États d’Asie centrale se méfient de l’islam pratiquant. Pendant près de 70 ans, sous l’URSS, la pratique religieuse a été bannie et les populations d’Asie centrale ont perdu la connaissance de leur religion. Aux indépendances, l’intérêt des populations pour leur foi historique est entrée en collision avec un prosélytisme venu d’Iran et du Golfe et une influence culturelle turque grandissante. Les régimes ont aujourd’hui peur d’attaques terroristes qui mettrait en cause leur capacité à assurer la sécurité de leurs populations, ou bien d’être renversés par des groupes islamistes à l’instar de l’Afghanistan en 1996.

La forte répression, souvent injustifiée, de l’Islam accroît l’insatisfaction de populations parmi lesquelles tous les éléments sont réunis pour favoriser l’émergence d’idées radicales : pauvreté, chômage et une très faible éducation (surtout religieuse). Les persécutions par le régime ouzbek qui ont alimenté la détermination du Mouvement islamique d’Ouzbékistan (groupe terroriste ayant commis des attentats dans le pays) à tenter de faire tomber l’ancien président Islam Karimov en sont la preuve (5).

Perspectives :

  • Il n’y a pas de changements de régimes en perspective pour les États d’Asie centrale, pas plus qu’il n’y a de chance de les voir modifier leurs politiques anti-islam.
  • La situation sécuritaire se dégrade en Afghanistan depuis 2015 tandis que l’État Islamique fait son chemin en Asie centrale (premier attentat revendiqué au Tadjikistan en 2018).

Sources :

  1. Government repression against freedom of thought and religion continues in Turkmenistan, Asia News, 28 janvier 17.
  2. LOZOVSKY Ilya, The Death of Tajikistan’s Islamic Renaissance, The Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP), 05 juin 2018.
  3. Rights monitor slams Kyrgyzstan For ‘Dangerously Overbroad’ Crackdown On Extremism, Radio Free Liberty, 18 octobre 18.
  4. RAFIEVA Mavlouda, Tadjikistan : 56 mosquées transformées en crèches et maisons de thé, Novastan, 11 février 2019.
  5. SHUSTER Simon, Uzbekistan’s History With Islam Might Explain a Lot About the New York Attack Suspect, Time, 01 octobre 17.

Raphaëlle Guislain