Munich. Du 15 au 17 février 2019 s’est tenue la 55ème édition de la Conférence de Munich sur la sécurité où plus de 600 décideurs internationaux ont débattu de l’état du monde. Pour le président de la conférence, Wolfgang Ischinger, c’est « tout l’ordre mondial libéral qui semble tomber en morceau » (1). La question de la pertinence et de la pérennité de l’OTAN a été centrale, et a notamment été portée par le Secrétaire d’État à la Défense du Royaume Uni lors d’un discours le 15 février.

Gavin Williamson a commencé par rappeler que malgré le contexte du Brexit, l’« engagement [du Royaume Uni] pour la sécurité européenne reste inébranlable ». Dans son propos, il assure que son pays « a contribué à la sécurité européenne bien avant la création de l’Union européenne (UE) ou de l’OTAN et qu’[il] continuera de le faire après avoir quitté l’UE » (3). Si Williamson se veut rassurant, il écarte volontiers les termes de défense européenne ou d’Europe de la Défense qui n’apparaissent pas dans son propos et leur préfère celui de sécurité. D’aucuns pourraient penser que ces termes sont ceux de l’Union ou du couple franco-allemand, formations desquelles le Royaume Uni sera bientôt exclu. D’ailleurs, Williamson a mis l’accent sur le partenariat des Britanniques avec les Allemands, et a évoqué symboliquement la bataille de Minden, épisode de la Guerre de Sept ans au cours duquel l’Empire britannique et le Royaume de Prusse avaient défait le Royaume de France. Il faut noter que le président français Emmanuel Macron n’était pas présent à Munich, et que personne n’a pu défendre la vision française de la sécurité en Europe.

Grave et très martial, Williamson semble évoquer de vieux schémas de la guerre froide. « Un vieil adversaire est de retour dans le jeu […] 30 ans après la chute du mur de Berlin ». La Russie est explicitement nommée et occupe une place conséquente dans le discours du ministre. Il accuse le Kremlin « d’avoir du sang sur [les] mains » et souhaite faire payer « l’aventurisme » russe. Pour lui, « la Russie demeure une menace pour notre sécurité ». Là où Wolfgang Ischinger voie l’ordre mondial libéral « tomber en morceau », Williamson exhorte la Russie à « agir selon les règles de l’ordre international ». Il avance qu’il ne faut « pas abandonner les pays que la Russie cherche à affaiblir » tels que l’Ukraine et les Balkans de l’Ouest. Aussi, il annonce le renforcement de la présence britannique en Estonie. Il n’est pas fait mention des questions de terrorisme ou de déstabilisation au Sud de la Méditerranée. La menace principale est toute désignée, la réponse est otanienne.

L’Alliance est « éprouvée au combat » et « dissuade les menaces les plus sérieuses ». Pour Williamson, « l’Otan doit rester le fondement de [la] sécurité en Europe ». Le Royaume Uni devrait même « mener dans l’Otan », et il est fait mention du déploiement en mer Baltique d’une force expéditionnaire interarmées de 9 pays de l’Otan emmenée par le Royaume Uni. Le ministre défend la place de choix de son pays dans l’Alliance et met en garde une Union qui « écarte les Alliés de l’Otan non membres de l’UE d’un développement capacitaire », affirmant que cela « ne fera[it] qu’affaiblir sa propre base industrielle […] qu’elle cherche à développer ». Toutefois, le ministre accueille favorablement l’idée selon laquelle « les pays européens s’associent pour développer des capacités qui sont disponibles pour l’Alliance ».

Perspectives :

  • Dans le cadre d’une situation post-Brexit, le ministre britannique cherche à préserver les acquis et à éviter que son pays ne soit exclu d’une défense/sécurité européenne.
  • Cette posture géopolitique résolument conservatrice s’attache à défendre un ordre international actuellement soumis à de fortes tensions.
  • Cherchant à affirmer un leadership qu’il ne peut plus incarner au sein de l’Union, le Royaume Uni cherche à (re)développer des partenariats extra-Union européenne dans le cadre d’une posture plus globale (2).

Sources :

  1. ISCHINGER Wolfgang, Food for Thought : “Who will pick up the pieces ?”, 13 février 2019.
  2. WILLIAMSON Gavin, Defence in Global Britain, discours du 11 février 2019 devant le Royal United Service Institute.
  3. WILLIAMSON Gavin, Discours à la Conférence de Munich sur la Sécurité du 15 février 2019.

Florent Corneau