Ouagadougou. Le 18 février a débuté « Flintlock 2019 », un exercice militaire conjoint des forces armées américaines en Afrique (Africom) et des armées des pays du G5 Sahel (Tchad, Niger, Mali, Burkina Faso, Mauritanie), dont les opérations ont lieu principalement au Burkina Faso, avec des avant-postes stratégiques en Mauritanie (2). Ces exercices se déroulent chaque année, avec une participation croissante des pays de la région et des alliés américains, via un soutien militaire et financier. Cette année, l’effectif de l’exercice s’élevait à 2000 militaires, avec la participation d’une trentaine de pays en comptant les donateurs : il s’agit d’un exercice crucial dans l’histoire de la présence américaine sur le continent. Le terrorisme et l’interopérabilité en sont les objectifs principaux, si bien la question de la gestion des flux migratoires est reléguée à une place secondaire (2). Le Sahel Occidental apparaît, avec la Somalie, comme un des pivots de l’action de Washington en Afrique (3).

Les opérations « Flintlock » ont été instituées pendant l’après-guerre pour entraîner les forces armées européennes. Le nom renvoie à une période historique pendant laquelle de nombreux acteurs jugeaient nécessaire d’établir un partenariat solide avec les États-Unis sur le terrain sécuritaire. La mission Africom (Africa Commando) a été déployée par l’administration Bush en 2007, après des décennies de débats sur la stratégie militaire à adopter sur le continent (1). Objectif principale de la Maison Blanche sur de nombreux théâtres extérieurs, la « coopération militaire » est liée à la signature d’accords de libre échange avec les pays intéressés. Avec Africom, les États-Unis promeuvent la décentralisation du pouvoir étatique au nom de la bonne gouvernance (1). Le débat sur l’engagement américain en Afrique s’accompagne d’une série de polémiques selon le dossier en question : l’incapacité de prévenir l’effondrement de nombreux régimes, la militarisation sauvage et la hausse des dépenses militaires ainsi que l’exploitation non durable des ressources du continent. En effet, les priorités de la mission sont localisées dans des régions à haute densité de ressources minières et pétrolières (Golfe de Guinée, Angola et Mozambique), tandis que la lutte contre le terrorisme se concentre sur le Sahel Occidental et la Somalie.

Flintock est le pilier de la politique américaine en Afrique, renouvelée sous l’administration Trump sous le vocable des « intérêts nationaux ». Avec cette expression, qui revient souvent dans les documents américains traitants de la politique africaine, il s’agit de limiter l’influences des concurrents (la France, la Chine et en partie la Russie) dans la gestion des ressources économiques et des programmes de coopération. Dans ce cadre, la centralité du Niger a été réaffirmée au cœur de l’action géopolitique américaine dans le Sahel pour les deux années à venir (3). Outre la gestion de la conflictualité régionale, Niamey est cruciale pour ses ressources d’uranium (par le passé, elle fut au centre de polémiques sur les programmes nucléaires de Saddam Hussein). La formation militaire a également consolidé la relation amicale avec le Tchad. Après une période de tensions avec Washington, ce pays a réussi à atteindre une véritable situation d’hégémonie militaire par l’intermédiaire du G5 Sahel. Le Mali et le Burkina Faso sont en revanche considérés comme des maillons faibles, qu’il s’agisse de la conflictualité latente de Bamako ou de la fragilité des forces armées de Ouagadougou (2). Selon la déclaration des cadres militaires américains, Boko Aram et Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) constituent les objectifs principaux, auxquels s’ajoute une coopération plus étroite avec la force Amisom en Somalie dans la lutte contre Al-Shabaab. Celle-ci mènerait à un partenariat plus approfondi avec les alliés militaires (Burundi, Kenya, Djibouti, Ethipie) et les bailleurs de fonds (Union Européenne). Cependant, la politique américaine après le retrait de la mission du territoire n’est pas évoquée. Un autre théâtre important est la Libye, au coeur des flux de migration liés à la situation au Sahel Occidental. La crise libyenne est donc subordonnée à ce qui se joue aujourd’hui au Mali et au Niger (3).

Perspectives :

  • La place centrale du Mozambique apparaît aussi dans le choix de Maputo pour l’organisation du prochain US-Africa Summit, prévu en juin 2019.

Sources :

  1. AHMAD Abdullahi Ayoade, U.S. Africa Commando : Military Operation or Good Governance, IOSR Journal of Humanities and Social Sciences, Vol.20, Issue 6, juin 2015.
  2. HERRING Nathan, More than 30 nations kick off Flintlock 2019 in Burkina Faso, Mauritania, United States Africa Commando, 18 février 2019.
  3. Statement of General Thomas D. Waldhauser, United States Marine Corps Commander United States Africa Commando before the Senate Committee on Armed Services, US Senate, 7 février 2019.

Alessandro Rosa